Leçon n°4 - Le Sahara : ressources, conflits (étude de cas)
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Avec 8,5 millions de km2, pratiquement la superficie des États-Unis, pour une population d’à peine 8 millions d’habitants, le Sahara est le plus grand désert de la planète : le mot « Sahara » lui-même signifie « désert » en arabe. Mais, même s’il est l’une des régions les plus contraignantes du monde, le Sahara est aussi très riche en ressources, qui sont de plus en plus convoitées et exploitées. C’est ce qui explique que, après avoir été pendant longtemps ignoré et négligé, ce désert soit devenu ces dernières années un espace aux enjeux multiples, qui engendrent des tensions et de nombreux conflits.
1. Un désert riche en ressources convoitées
a) C'est un espace marqué par de nombreuses contraintes. Le Sahara, qui s’étend sur tout le Nord de l’Afrique de part et d'autre du Tropique du Cancer, de l’océan Atlantique à la mer Rouge, se définit par des températures extrêmement élevées – un record mondial de chaleur, 57,8°C, y a été relevé en 1922 – et par des précipitations très rares, inférieures à 200 mm par an (document 1). Délimité au Nord par la mer Méditerranée ou par les chaines de montagnes du Maghreb, le désert se prolonge vers le Sud par le Sahel, une zone semi-aride où les précipitations vont de 200 à 700 mm par an. Si l’on excepte les vallées du Nil à l’Est et du Niger au Sud, l’eau n’y est présente que de manière exceptionnelle, dans les oasis – qui ne représentent qu’un millième de la superficie du Sahara – et dans les oueds, des cours d’eau temporaires asséchés une partie de l’année (document 2). Constitué à 20% de déserts de sable (les ergs) et à 80% de déserts de pierre, (les regs) le Sahara est enfin caractérisé par son immensité : il s’étend sur près de 5 000 km d’Est en Ouest et de 1 500 à 2 000 km du Nord au Sud (document 3).
b) Le Sahara dispose néanmoins de très nombreuses ressources. Le sous-sol saharien recèle d’importantes ressources minérales et énergétiques : des hydrocarbures, surtout présents en Algérie et en Libye (qui disposent à elles deux de 4% des réserves mondiales de pétrole et de 3% des réserves mondiales de gaz) mais aussi en Tunisie et en Egypte, du fer en Mauritanie, des phosphates au Maroc (le 3ème producteur mondial), de l’uranium au Niger (le 4ème producteur mondial) et de l'or au Mali (document 4). Le sous-sol du Sahara contient aussi des millions de m3 d’eau, présents dans des nappes aquifères fossiles à très grande profondeur, qui se sont constituées il y a plusieurs millénaires au temps où le Sahara était une région humide et qui ont été découvertes à l’occasion des prospections pétrolières (document 5). Parmi les ressources du Sahara, il faut aussi mentionner son exceptionnel ensoleillement qui peut fournir à terme, grâce à des projets de centrales solaires comme « Desertec », une énergie en quantité illimitée (document 6). Le désert saharien dispose enfin d’un très riche patrimoine naturel et historique, dont la mise en valeur touristique reste faible, en raison de l’instabilité politique de la région (document 7).
Un espace aux multiples contraintes
Graphique ombrothermique de Tamanrasset (Algérie)
Un espace aux multiples contraintes
L’oasis d’Ubari, dans le Sahara libyen
L’oued Saoura, dans le désert algérien
Un espace aux multiples contraintes
Le plus vaste désert du monde: 8,5 millions de km2
Des ressources variées en très grandes quantités
Les principaux gisements d'hydrocarbures du Sahara
Des ressources variées en très grandes quantités
Parmi les nombreuses ressources du Sahara, d'immenses réserves d'eau: les aquifères fossiles
Des ressources variées en très grandes quantités
La nappe souterraine du Sahara septentrional
Des ressources variées en très grandes quantités
Une électricité en quantité illimitée: la centrale solaire de Ouarzazate, au Maroc
Des ressources variées en très grandes quantités
Un exemple de patrimoine historique peu exploité: la mosquée Sankore à Tombouctou, au Mali
Des ressources variées en très grandes quantités
Un patrimoine naturel également peu valorisé
a) Un espace aux multiples contraintes
b) Des ressources variées en très grandes quantités
Des ressources variées en très grandes quantités
Les principaux gisements d'hydrocarbures du Sahara
Des ressources variées en très grandes quantités
Un patrimoine naturel également peu valorisé
2. Un espace de circulation et d’échanges, malgré les frontières
a) Les espaces sahariens sont de plus en plus aménagés. Les dix États qui se partagent le Sahara – le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Egypte au Nord ; la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan au Sud – l’ont longtemps considéré comme un arrière-pays sans grand intérêt (document 1). Grâce à ses ressources aujourd’hui exploitées par les compagnies nationales de ces États, mais aussi par des FTN européennes, américaines ou chinoises, le désert est devenu un espace stratégique (document 2), où les travaux d’infrastructures se multiplient. Le minerai de fer de la Mauritanie (qui représente les deux-tiers de ses exportations) est transporté de la mine de Zouerate au port minéralier de Nouadhibou par une voie ferrée de 700 km. L’uranium du Niger (60% de ses exportations) est transporté par la route depuis le Nord du pays jusqu’au Bénin puis vers la France. En Algérie et en Libye, de nombreux oléoducs et gazoducs amènent les hydrocarbures vers les ports de la Méditerranée (document 3). La Libye a également construit la « grande rivière artificielle », un réseau de conduites permettant d’amener l’eau des aquifères du désert vers les villes du littoral. L’exploitation de ces aquifères a par ailleurs permis la constitution en plein désert de fronts pionniers agricoles, caractérisés par la multiplication de champs circulaires (document 4). Cette mise en valeur des ressources sahariennes s’est accompagnée du développement de nombreuses villes : des oasis comme Ghardaïa et Tamanrasset en Algérie ou comme Sebha en Libye, des carrefours commerciaux comme Agadez au Niger, des capitales politiques comme Nouakchott en Mauritanie ou Laâyoune au Sahara occidental et des centres d’extraction minière comme Arlit au Niger connaissent un essor remarquable. Le Sahara est aujourd’hui urbanisé à près de 90% (document 5).
b) Le Sahara est traversé par de multiples flux. La croissance des villes du Sahara est également alimentée par le spectaculaire renouveau des échanges transsahariens depuis les années 1990. Quatre routes permettent de traverser le désert du Nord au Sud : l’une (la seule à être entièrement goudronnée) qui joint Nouakchott à Rabat en longeant l’océan Atlantique ; une autre qui relie Gao au Mali à Adrar en Algérie ; une troisième qui part d’Agadez au Niger et qui arrive à Alger ; une dernière, qui suit la vallée du Nil du Soudan à l’Egypte. Sur ces axes transsahariens, les biens manufacturés venus du Nord (et souvent importés d’Europe) croisent les matières premières et les produits agricoles venus du Sud (document 6). Mais l’immensité du désert et la porosité des frontières favorisent aussi de multiples trafics, de drogues – 15% du trafic mondial de cocaïne transiterait par l’Afrique – et d’armes, ainsi que de nombreuses contrebandes (voitures, etc.) (document 7). Le Sahara est enfin un espace de transit pour les migrants de l’Afrique subsaharienne qui tentent de gagner l'Europe, pour la plupart clandestinement. Mais, avec la fermeture croissante des frontières européennes, les villes sahariennes – c’est le cas de Sebha en Libye, d’Adrar et d’In Salah en Algérie – cessent d’être des points de passage pour devenir des points d’arrivée pour les migrants (document 8).
Des espaces sahariens devenus stratégiques
Les États sahariens et leurs frontières
Des espaces sahariens devenus stratégiques
Les rivalités autour de l’ uranium du Niger
Le Niger vit principalement de ses ressources en uranium, dont les exportations - plus de 3000 tonnes par an - représentent 5% des recettes fiscales et contribuent pour 5% au PIB. [...] L'exploitation de l'uranium au Niger a, de tout temps, été une affaire française. De la prospection à la production, puis à l'exportation, l'activité est largement dominée par des groupes de l'Hexagone. La carte minière du Niger a été élaborée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) basé à Paris, et la production actuelle du pays [...] tient exclusivement aux activités du groupe français Areva [...]. Cependant, l'exclusivité française dans l'exploitation de ce minerai a été mise à mal par la politique de l'ex-président Mamadou Tandja, qui avait érigé en priorité nationale la diversification des partenaires miniers. Permis d'exploration et concessions ont été négociés avec des groupes chinois, canadiens, australiens et indiens. [...] La China National Nuclear Corporation (CNNC) qui a décroché le contrat de la mine la plus prometteuse, celle d'Azelik, est la première à concrétiser le souhait des Nigériens de sortir de l'« Areva-dépendance ».
C. Ouazani, « Mines, À chacun sa part du gâteau? », Jeune Afrique, 3-9 avril 2011
Des espaces sahariens devenus stratégiques
Le très disputé pétrole algérien
L'exploration pétrolière dans la région saharienne a beaucoup évolué depuis une dizaine d'années. Cela est notamment le résultat d'une augmentation des cours du pétrole sur les marchés internationaux. [...] L'exploration au Sahara n'est cependant pas une nouveauté pour tous les pays de la région. Les sociétés pétrolières, en particulier françaises, ont commencé à produire dans la partie septentrionale du Sahara algérien à partir de 1958 (la même année que sur les côtes libyennes). [... ]
Les sociétés pétrolières nationales des pays producteurs du Maghreb [Sonatrach algérienne, ETAP tunisienne et deux sociétés libyennes] s'intéressent toutes à la zone Sahara au sud de leur territoire pour des raisons de contrôle géopolitique de cet arrière-pays. [...] L'autre société nationale d’exploration pétrolière très présente est la CNPC chinoise. [...] Les plus grandes entreprises privées comme Elf, Exxon, Chevron et ENI se sont succédé depuis les années 1970 au Mali, au Niger et au Tchad. Depuis le milieu des années 2000, c'est en Mauritanie qu'on trouve aujourd'hui le plus de sociétés en exploration comme la française Total, l'espagnole Repsol, deux sociétés allemandes.
Benjamin Augé, « Les nouveaux enjeux pétroliers de la zone saharienne »,
Bulletin de l'Association de géographes français, 2011
Des espaces sahariens devenus stratégiques
En Mauritanie, une ligne à voie unique, longue de 704 kmn, relie les mines de fer de Zouerate
au port minéralier de Nouadhibou. La longueur des trains peut atteindre 2,5 km.
Des espaces sahariens devenus stratégiques
Les oléoducs et les gazoducs du nord du Sahara
Des espaces sahariens devenus stratégiques
Quatre villes sahariennes d'environ 100 000 habitants
Des échanges croissants
Un frein important aux échanges transsahariens: de nombreuses pistes non viabilisées
Des échanges croissants
Economie informelle et flux illicites au Sahara
Durant ces dix dernières années, le commerce saharien s'est diversifié et internationalisé en s'étendant au trafic de voitures volées, des armes et de la drogue. Les voitures viennent des grands ports du Golfe de Guinée (Lomé et Cotonou) : elles sont dédouanées en Mauritanie ou directement vendues au Mali ou au Burkina Faso. Les armes arrivent soit de régions en guerre (on parle d'un trafic d'armes [...] vers l'Algérie pendant les années 1990 afin d'alimenter la guerre civile) soit, dit-on, directement de la Chine par conteneurs. Elles sont souvent vendues au Sahara où la demande reste constante suite à la guerre civile en Algérie, aux rébellions au Mali et au Niger et à la répression de plus en plus violente du commerce de drogue. La drogue est depuis longtemps commercialisée le long des frontières marocaines, mais depuis peu, des stupéfiants arrivent aussi par conteneur ou par avion directement de Colombie jusqu'en Mauritanie et au nord du Mali d'où ils longent les frontières des pays maghrébins au sud pour ensuite remonter en Europe par l'est. Étant donné les distances parcourues et l'ampleur des capitaux requis, ce commerce demande une organisation sophistiquée et transnationale dont les transporteurs sahariens ne forment qu'une partie minime et subalterne.
Judith Scheele, « Circulation marchande au Sahara, entre licite et illicite »,
Géopolitique du Sahara, revue Hérodote n°142, 3e trimestre 2011.
Des échanges croissants
Des flux migratoires de plus en plus importants et de plus en plus clandestins
Des échanges croissants
Des mobilités sahariennes de plus en plus difficiles
Contre toute idée reçue, seule une minorité de migrants subsahariens poursuit sa route vers l'Europe, la plupart d'entre eux s'installant durablement dans les pays arabes. La migration africaine est donc majoritairement intra-africaine et transfrontalière.
Les déplacements dans l'espace saharo-sahélien sont étroitement liés à l'histoire récente de la région. Les indépendances des années 1950-1960, les sécheresses des années 1970, les conflits armés des années 1970-1980, ou encore le développement différencié entre les versants maghrébin et sahélien du désert, ont poussé les ressortissants subsahariens vers les régions offrant des opportunités de travail.
Sous la pression de l'Europe, le durcissement des contrôles migratoires dans les Etats maghrébins touche non seulement les migrants qui cherchent à atteindre l'Europe mais aussi, plus largement, ceux qui s'installent au Maghreb. Le risque est grand aujourd'hui de voir les villes sahariennes, autrefois carrefours des grandes routes migratoires, se transformer en impasses.
« Migrations sahariennes: un bilan loin des idées reçues »,
Institut de Recherche pour le Développement, janvier 2013
a) Des espaces sahariens devenus stratégiques
Des espaces sahariens devenus stratégiques
Les rivalités autour de l’ uranium du Niger
Le Niger vit principalement de ses ressources en uranium, dont les exportations - plus de 3000 tonnes par an - représentent 5% des recettes fiscales et contribuent pour 5% au PIB. [...] L'exploitation de l'uranium au Niger a, de tout temps, été une affaire française. De la prospection à la production, puis à l'exportation, l'activité est largement dominée par des groupes de l'Hexagone. La carte minière du Niger a été élaborée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) basé à Paris, et la production actuelle du pays [...] tient exclusivement aux activités du groupe français Areva [...]. Cependant, l'exclusivité française dans l'exploitation de ce minerai a été mise à mal par la politique de l'ex-président Mamadou Tandja, qui avait érigé en priorité nationale la diversification des partenaires miniers. Permis d'exploration et concessions ont été négociés avec des groupes chinois, canadiens, australiens et indiens. [...] La China National Nuclear Corporation (CNNC) qui a décroché le contrat de la mine la plus prometteuse, celle d'Azelik, est la première à concrétiser le souhait des Nigériens de sortir de l'« Areva-dépendance ».
C. Ouazani, « Mines, À chacun sa part du gâteau? », Jeune Afrique, 3-9 avril 2011
Des espaces sahariens devenus stratégiques
Le très disputé pétrole algérien
L'exploration pétrolière dans la région saharienne a beaucoup évolué depuis une dizaine d'années. Cela est notamment le résultat d'une augmentation des cours du pétrole sur les marchés internationaux. [...] L'exploration au Sahara n'est cependant pas une nouveauté pour tous les pays de la région. Les sociétés pétrolières, en particulier françaises, ont commencé à produire dans la partie septentrionale du Sahara algérien à partir de 1958 (la même année que sur les côtes libyennes). [... ]
Les sociétés pétrolières nationales des pays producteurs du Maghreb [Sonatrach algérienne, ETAP tunisienne et deux sociétés libyennes] s'intéressent toutes à la zone Sahara au sud de leur territoire pour des raisons de contrôle géopolitique de cet arrière-pays. [...] L'autre société nationale d’exploration pétrolière très présente est la CNPC chinoise. [...] Les plus grandes entreprises privées comme Elf, Exxon, Chevron et ENI se sont succédé depuis les années 1970 au Mali, au Niger et au Tchad. Depuis le milieu des années 2000, c'est en Mauritanie qu'on trouve aujourd'hui le plus de sociétés en exploration comme la française Total, l'espagnole Repsol, deux sociétés allemandes.
Benjamin Augé, « Les nouveaux enjeux pétroliers de la zone saharienne »,
Bulletin de l'Association de géographes français, 2011
Des échanges croissants
Economie informelle et flux illicites au Sahara
Durant ces dix dernières années, le commerce saharien s'est diversifié et internationalisé en s'étendant au trafic de voitures volées, des armes et de la drogue. Les voitures viennent des grands ports du Golfe de Guinée (Lomé et Cotonou) : elles sont dédouanées en Mauritanie ou directement vendues au Mali ou au Burkina Faso. Les armes arrivent soit de régions en guerre (on parle d'un trafic d'armes [...] vers l'Algérie pendant les années 1990 afin d'alimenter la guerre civile) soit, dit-on, directement de la Chine par conteneurs. Elles sont souvent vendues au Sahara où la demande reste constante suite à la guerre civile en Algérie, aux rébellions au Mali et au Niger et à la répression de plus en plus violente du commerce de drogue. La drogue est depuis longtemps commercialisée le long des frontières marocaines, mais depuis peu, des stupéfiants arrivent aussi par conteneur ou par avion directement de Colombie jusqu'en Mauritanie et au nord du Mali d'où ils longent les frontières des pays maghrébins au sud pour ensuite remonter en Europe par l'est. Étant donné les distances parcourues et l'ampleur des capitaux requis, ce commerce demande une organisation sophistiquée et transnationale dont les transporteurs sahariens ne forment qu'une partie minime et subalterne.
Judith Scheele, « Circulation marchande au Sahara, entre licite et illicite »,
Géopolitique du Sahara, revue Hérodote n°142, 3e trimestre 2011.
Des échanges croissants
Des mobilités sahariennes de plus en plus difficiles
Contre toute idée reçue, seule une minorité de migrants subsahariens poursuit sa route vers l'Europe, la plupart d'entre eux s'installant durablement dans les pays arabes. La migration africaine est donc majoritairement intra-africaine et transfrontalière.
Les déplacements dans l'espace saharo-sahélien sont étroitement liés à l'histoire récente de la région. Les indépendances des années 1950-1960, les sécheresses des années 1970, les conflits armés des années 1970-1980, ou encore le développement différencié entre les versants maghrébin et sahélien du désert, ont poussé les ressortissants subsahariens vers les régions offrant des opportunités de travail.
Sous la pression de l'Europe, le durcissement des contrôles migratoires dans les Etats maghrébins touche non seulement les migrants qui cherchent à atteindre l'Europe mais aussi, plus largement, ceux qui s'installent au Maghreb. Le risque est grand aujourd'hui de voir les villes sahariennes, autrefois carrefours des grandes routes migratoires, se transformer en impasses.
« Migrations sahariennes: un bilan loin des idées reçues »,
Institut de Recherche pour le Développement, janvier 2013
3. Un espace de multiples tensions
a) De nombreuses raisons permettent de comprendre la multiplication des conflits au Sahara. Le désert est découpé par des frontières héritées de la décolonisation qui, pour un certain nombre d’entre elles, sont contestées. Le tracé de la frontière entre le Tchad et la Libye a ainsi donné lieu jusqu’aux années 1990 à un conflit entre les deux États pour le contrôle des gisements supposés d’uranium et de pétrole de la région (document 1). De même, le Maroc, qui s’est emparé en 1975 de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental et de ses richesses en phosphates, est en conflit depuis cette date avec les Sahraouis du Front Polisario qui, soutenus par l’Algérie, réclament leur indépendance, mais aussi avec la Mauritanie qui revendique une partie du territoire sahraoui (document 2). Des conflits plus nombreux se déroulent à l’intérieur des États saharien : au Tchad, les populations majoritairement chrétiennes du Sud se sont pendant longtemps opposées aux populations musulmanes du Nord ; au Soudan, la même opposition a abouti en 2011 à la partition du pays en deux États, qui continuent aujourd’hui à s’affronter pour le tracé de leur frontière et pour le contrôle de leurs hydrocarbures : le Sud-Soudan a les gisements les plus importants, mais c’est le Soudan qui contrôle les oléoducs conduisant aux ports d’exportation (document 3). Les États du Sahara sont enfin en conflit avec les peuples nomades de la région : au nombre de 1,5 million, les Touaregs partagés entre la Mauritanie, le Mali, l’Algérie, le Niger et la Libye, revendiquent depuis longtemps une autonomie à l’intérieur de ces États qui cherchent à les sédentariser, tout comme les Toubous, partagés entre le Tchad, le Niger et la Libye (document 4).
b) De nouveaux facteurs d’instabilité font aujourd’hui du Sahara une région en crise. Comme le montre le récent conflit du Mali, l’exploitation croissante des ressources sahariennes, les migrations clandestines et la multiplication des trafics illicites ont favorisé l’émergence de nouveaux acteurs et de nouveaux facteurs d’instabilité au sein du Sahara. Installé au sud de l’Algérie et au nord du Mali et du Niger, le groupe AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) s’est renforcé depuis plusieurs années en participant aux trafics d’armes et de stupéfiants et en multipliant les enlèvements contre rançon d’Occidentaux employés par les FTN opérant au Sahara (document 5). En 2012, il a pris le contrôle du nord du Mali en s’alliant aux Touaregs du Front de Libération de l’Azawad, puis a fait avancer ses groupes armés vers le sud du pays. Cette avancée a déclenché l’intervention de la France, qui a reçu l’aval de l’ONU et le soutien de nombreux États occidentaux, dont les Etats-Unis, ainsi que l’intervention de plusieurs États africains, dont le Togo et le Nigéria (document 6). Si l’État malien a aujourd’hui repris le contrôle du nord du pays, l’armée française n’est toujours pas parvenue à faire disparaître la menace des organisations islamistes. Le poids de celles-ci au Sahara s’est même renforcé avec la décomposition de la Libye : dans ce pays, où depuis 2011 et la chute de la dictature du colonel Kadhafi, deux gouvernement (celui de Tripoli et celui de Benghazi) se disputent le contrôle du territoire et où sont apparus de nombreux mouvements autonomistes touareg, toubou, mais aussi berbère, l’État Islamique est implanté depuis 2015 (document 7).
Des conflits inter- et intra-étatiques souvent anciens
Un territoire longtemps disputé entre le Tchad et la Libye:
la "bande d'Aouzou"
Des conflits inter- et intra-étatiques souvent anciens
Le conflit du Sahara Occidental
Des conflits inter- et intra-étatiques souvent anciens
Les conflits résolus ou en voie de résolution du Tchad
Des conflits inter- et intra-étatiques souvent anciens
Les conflits toujours en cours au Soudan
Des conflits inter- et intra-étatiques souvent anciens
Les principaux peuples nomades du Sahara
De nouveaux facteurs d’instabilité
Comment les trafics augmentent l'instabilité du Sahara
Les rébellions touarègues des années 1990 puis 2000 ont affecté les circulations marchandes et humaines en instaurant un climat d'insécurité : le Sahara redevient un espace dangereux aux mains de trafiquants de toutes sortes et de groupes armés constitués d'anciens rebelles Touaregs. Parallèlement, il est devenu une aire de transit de stupéfiants : 15 % de la production mondiale de cocaïne transiterait par l'Afrique de l'Ouest. À une économie entre licite et illicite s'est donc juxtaposée une économie criminelle qui constitue un mode d'insertion dans l'économie mondiale.
La brigade salafiste d'Al-Qaïda au Maghreb islamique est impliquée dans le transport de la précieuse marchandise et touche une dîme lors de son passage dans la zone qu’elle contrôle, ce qui n'est pas sans dangers pour la stabilité de la région. L'organisation se livre aussi au trafic d'otages. Ses opérations de commando pour enlever des Européens ont contribué à faire de l'espace saharien une aire de non-droit qui était auparavant limitée aux seules régions frontalières.
E. Grégoire, A. Bourgeot, « Désordre, pouvoirs et recompositions territoriales au Sahara »,
Géopolitique du Sahara, revue Hérodote n°142, 3e trimestre 2011.
De nouveaux facteurs d’instabilité
Une organisation islamiste au Sahara: AQMI et son domaine d'activité en 2009-2011
a) Des conflits inter- et intra-étatiques souvent anciens
Des conflits inter- et intra-étatiques souvent anciens
Un territoire longtemps disputé entre le Tchad et la Libye:
la "bande d'Aouzou"
Des conflits inter- et intra-étatiques souvent anciens
Les principaux peuples nomades du Sahara
b) De nouveaux facteurs d’instabilité
De nouveaux facteurs d’instabilité
Comment les trafics augmentent l'instabilité du Sahara
Les rébellions touarègues des années 1990 puis 2000 ont affecté les circulations marchandes et humaines en instaurant un climat d'insécurité : le Sahara redevient un espace dangereux aux mains de trafiquants de toutes sortes et de groupes armés constitués d'anciens rebelles Touaregs. Parallèlement, il est devenu une aire de transit de stupéfiants : 15 % de la production mondiale de cocaïne transiterait par l'Afrique de l'Ouest. À une économie entre licite et illicite s'est donc juxtaposée une économie criminelle qui constitue un mode d'insertion dans l'économie mondiale.
La brigade salafiste d'Al-Qaïda au Maghreb islamique est impliquée dans le transport de la précieuse marchandise et touche une dîme lors de son passage dans la zone qu’elle contrôle, ce qui n'est pas sans dangers pour la stabilité de la région. L'organisation se livre aussi au trafic d'otages. Ses opérations de commando pour enlever des Européens ont contribué à faire de l'espace saharien une aire de non-droit qui était auparavant limitée aux seules régions frontalières.
E. Grégoire, A. Bourgeot, « Désordre, pouvoirs et recompositions territoriales au Sahara »,
Géopolitique du Sahara, revue Hérodote n°142, 3e trimestre 2011.
Parce qu'ils ont des enjeux de plus en plus importants et parce qu'ils font intervenir des acteurs régionaux ou extérieurs de plus en plus nombreux, les conflits sahariens sont donc loin d’être en voie d’apaisement...