Mondialisation, acteurs, flux,

Leçon n°2 - Acteurs, flux et débats de la mondialisation

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I. Les acteurs de la mondialisation

1) La mondialisation est surtout conduite par des entreprises privées
a) Les principaux acteurs de la mondialisation sont en effet les firmes transnationales. Une FTN est une entreprise de taille importante déployant ses activités dans plusieurs pays tout en gardant la nationalité de son pays d’origine. Toutes nationalités confondues, on compte 103 000 entreprises de ce type, contrôlant près de 900 000 filiales et employant plus de 70 millions de salariés dans le monde entier (document 1). A elles seules, elles réalisent 30% du PIB mondial. Ces firmes sont majoritairement issues des pays d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie orientale, mais aussi, de plus en plus, des pays émergents : sur les 500 premières FTN mondiales, 132 sont américaines, 51 sont japonaises et 109 sont chinoises (document 2).
b) les FTN sont des entreprises à la taille du monde. Présentes dans tous les secteurs (énergie, industrie ou services), les FTN les plus importantes (document 3) ont un chiffre d’affaires qui dépasse le PIB de nombreux États : ainsi celui de Wal-Mart, la 1^ère entreprise mondiale, équivaut au PIB de la Pologne, le 23^ème pays le plus riche du monde ; le chiffre d’affaire de la 2^ème FTN mondiale, State Grid Corporation, dépasse le PIB d’Israël, le 32^ème du monde (document 4). En additionnant les chiffres d’affaires des 7 premières FTN mondiales, on obtient le PIB de l’Afrique ; en additionnant les chiffres d’affaires des 10 premières, on obtient le PIB du Royaume-Uni. De ce fait, nombre de FTN se retrouvent en position de supériorité lorsqu’elles négocient avec les États.
c) Les stratégies des FTN sont elles aussi à l’échelle de la planète. Comme l’exemple de la production et de la commercialisation de l’IPhone permet de le montrer, Apple développe une stratégie commerciale et une organisation de production de dimension mondiale. D’autres FTN, telles que Toyota, localisent la conception et l’assemblage final de leurs produits au Japon ou en Europe et en Amérique du Nord, au plus près des bassins de consommation les plus importants (document 5), mais répartissent la production de leurs pièces détachées dans de multiples pays à faible coût de main d’œuvre (document 6), en fonction des avantages offerts par chacun de ces pays . Cette Division Internationale du Travail mise en place par les FTN (dont les échanges internes représentent 30% du commerce mondial des marchandises), se modifie constamment en fonction des intérêts de ces firmes. Entre autres exemples, H&M est en train de quitter la Chine devenue trop chère pour l’Ethiopie (document 7). Dans presque tous les secteurs une compétition mondiale oppose les FTN à la recherche des parts de marché les plus larges possibles (document 8). © Thierry Gasnier

a) Des entreprises au centre de la mondialisation

b) Des entreprises à l'échelle du monde

c) Des entreprises aux stratégies mondiales

2. Les États et leurs organisations

2) Les États et leurs organisations jouent aussi un rôle important dans la mondialisation
a) Presque tous les États ont la même stratégie d’insertion dans la mondialisation, qui consiste à ouvrir leurs frontières aux capitaux et aux marchandises venus de l’étranger pour dynamiser leur économie. Le meilleur exemple de cette stratégie est la Chine, dont le régime communiste a conduit depuis 1979 une politique d’ouverture aux capitaux venus des pays capitalistes, ce qui lui a permis de devenir le 2^ème pays le plus riche du monde (document 1). Dans le même but d’attirer les investisseurs étrangers, certains États réduisent leur fiscalité et leurs contrôles sur les flux de capitaux pour devenir des « paradis fiscaux », tandis que d’autres créent des zones franches pour attirer les flux de marchandises sur leur territoire (document 2). Une dernière stratégie est celle des États, peu nombreux, qui utilisent leurs excédents commerciaux pour constituer des « fonds souverains », pour investir en dehors de leurs frontières (document 3).
b) Les grandes puissances dominent la gouvernance de la mondialisation. Après avoir été le G6 (en 1975), puis le G7 (en 1976), puis le G8 (en 1995), le G7 regroupe depuis 2014 les principales puissances du Nord. Même s’ils ne sont pas seulement consacrés aux questions économiques, les sommets annuels du G7 (document 4) permettent d’élaborer des stratégies coordonnées face à la mondialisation, par exemple en 2013, une attitude commune vis-à-vis des paradis fiscaux. Le G20, qui regroupe les puissances du Nord et les pays émergents (document 5) tient également des sommets réguliers depuis 2008 , date à laquelle il a fallu mettre en place une réponse coordonnée à la crise économique mondiale (document 6).
c) Les organisations internationales et régionales sont des acteurs importants de la mondialisation. L’Organisation Mondiale du Commerce, qui a été créée en 1995 pour succéder au GATT, a permis de faire disparaître de nombreux obstacles aux échanges internationaux et a contribué à universaliser les principes du libre-échange (document 7). Le Fonds Monétaire International, créé en 1944, a permis à de nombreux États de surmonter leurs difficultés monétaires en imposant en contrepartie des réformes économiques conformes aux principes du capitalisme libéral (document 8). Même si elles ne sont pas toutes aussi développées que l’Union Européenne, les organisations régionales, comme l’ALENA, le Mercosur ou l’ASEAN, participent elles aussi à la mondialisation en accélérant l’ouverture des frontières à l’intérieur des zones de libre-échange, des marchés communs ou des unions économiques qu’elles constituent (document 9). © Thierry Gasnier

a) Les stratégies d'insertion des États dans la mondialisation

b) Les clubs des grandes puissances

c) Le poids des organisations internationales et régionales

3. Les autres acteurs de la mondialisation

3) De nombreux autres acteurs participent à la mondialisation
a) C’est d’abord le cas de très nombreuses organisations, qui remplissant les missions que les États ne prennent pas en charge. Qu’il s’agisse de l’urgence médicale (Médecins sans frontières), de la lutte contre la pauvreté (Oxfam), de la défense de l’environnement (Greenpeace) ou de celles des droits de l’homme (Amnesty International), ces organisations non-gouvernementales ignorent les frontières et font appel à l’« opinion mondiale » pour promouvoir leurs idées et financer leurs activités (document 1). Dans un autre genre, les fédérations sportives, comme le CIO ou la FIFA, sont elles aussi au centre de la mondialisation, lorsqu’elles organisent des événements mondiaux, comme les Jeux Olympiques ou la coupe de monde football, qui mobilisent des centaines de millions de spectateurs (document 2).
b) Les multiples diasporas produites par la multiplication des flux migratoires jouent aussi un rôle croissant dans la mondialisation. Parce que les émigrés conservent de nombreux contacts avec leurs pays d’origines, les diasporas servent souvent de relais aux investissements et aux échanges commerciaux entre celui-ci et les autres pays (document 3). Sources importantes de richesse pour de nombreux États, les diasporas leur permettent de diffuser leur langue et leur culture très largement en dehors de leurs frontières.
c) Des organisations criminelles sont également à l’œuvre dans la mondialisation. Une part importante des flux mondiaux de marchandises et de capitaux échappe en effet au contrôle des États : ce sont les trafics de toute sorte (drogue, armes, etc.) organisés par les multiples cartels et autres mafias (document 4). Ces dernières sont, à l’exemple de la ‘Ndrangheta calabraise, constituées en multinationales du crime présentes sur tous les continent, pour y développer leurs trafics ou pour blanchir leur argent sale (document 5). Une autre partie de cette face cachée de l’économie mondiale est constituée par la piraterie internationale dont les activités prolifèrent le long des grandes routes maritimes mondiales en Asie du Sud-Est, dans le bassin des Caraïbes, dans la corne de l’Afrique et dans le Golfe de Guinée (document 6).
d) Les consommateurs sont des acteurs décisifs de la mondialisation. En suivant les stratégies commerciales des FTN dont ils sont les cibles, ils favorisent la diffusion des mêmes marques, des mêmes musiques et des mêmes produits partout dans le monde. Parmi les consommateurs, les plus actifs sont ceux que la sociologue canadienne Naomi Klein appelle les « adolescents mondiaux », un groupe de près d’un milliard d’individus dotés d’un fort pouvoir d’achat (grâce à l’argent de leurs parents) et de beaucoup de temps pour consommer (document 7). © Thierry Gasnier

a) Les organisations non-gouvernementales

b) Les diasporas, relais de la mondialisation

c) Les organisations criminelles: la face obscure de la mondialisation

d) Les consommateurs, acteurs essentiels de la mondialisation

II. Les flux et les débats de la mondialisation

1. Des flux en augmentation constante

1. De multiples flux sont en augmentation constante, du fait de la mondialisation.
a) Les échanges de marchandises sont l’aspect le plus visible de la mondialisation. Leur valeur actuelle, qui est 200 fois supérieure à celle de 1948, augmente aujourd’hui deux fois plus vite que la production mondiale. Multipliés par plus de 5 entre 30 ans, les échanges de marchandises représentent désormais 25% du PIB mondial. Ils sont pour l’essentiel organisés autour des trois grandes aires de puissance d'Amérique du nord, d'Europe et d'Asie orientale (document 1): dix États issus de ces trois régions réalisent à eux seuls la moitié du commerce mondial, 14% pour la Chine, 10% pour les États-Unis (document 2). Ils sont aussi très fortement continentalisés : à lui seul le commerce intra-régional représente 50% du commerce mondial. Cette explosion des échanges mondiaux, qui concerne toutes les régions du monde (document 3), est due à la généralisation du libre-échange, dans le cadre du GATT puis de l’OMC, et à l’abaissement du coût du transport maritime, grâce à l’utilisation de conteneurs standardisés, les EVP (équivalent vingt pieds). L’essentiel de ce commerce s’organise autour de trois façades maritimes: celle de l’Asie Orientale (9 des dix plus grands ports mondiaux s’y trouvent, dont les 3 premiers, Shanghai, Ningbo et Singapour), celle de l’Europe de l’Ouest (la Northern Range, organisée autour de Rotterdam) et celles, atlantique et pacifique, des États-Unis (document 4). Entre ces façades, les principaux armateurs mondiaux (le danois Maersk, le suisse MSC ou le français CMA-CGM) ont mis en place une véritable "autoroute de la mondialisation", permettant de desservir toutes les régions du monde à partir des grands ports mondiaux organisés en hubs portuaires (document 5).
b) La mondialisation accélère spectaculairement la circulation des capitaux Des flux automatiques, gérés par des ordinateurs connectés les uns aux autres, relient 24 heures sur 24 les plus grandes bourses mondiales, dont la capitalisation, multipliée par 5 depuis les années 1990, a pu présenter jusqu'à 125% du PIB mondial en 2007. Les pays du Nord, qui détiennent 85% de cette capitalisation, exercent une domination sans partage sur des marchés financiers de plus en plus concentrés : les 5 premiers de ces marchés (New York, Londres, Paris, Francfort et Tokyo) regroupent la moitié de la capitalisation boursière mondiale (document 6). Par ailleurs, les investissements directs à l’étranger, réalisés par les FTN grâce à la délocalisation de leurs activités ou l’acquisition de nouvelles filiales, ont dépassé les les 1 400 milliards de dollars en 2015. Ils se portent en priorité vers les pays les plus développés (Amérique du Nord et Europe occidentale) et, dans une moindre mesure vers les pays émergents. Parmi ces derniers, la Chine attire des flux de plus en plus importants (document 7).
c) Les flux d’information sont eux aussi en constante augmentation. Grâce aux télévisions par satellite et à Internet, le monde est devenu le « village planétaire » rêvé il y a cinquante ans par Marshall McLuhan, où l’information circule en temps réel et en ignorant les frontières : un événement comme les attentats du 11 septembre 2001 a été vu par la planète tout entière et les audiences cumulées de la coupe du monde 2014 ont atteint 3,2 milliards de téléspectateurs! (document 8) Depuis le début des années 2000, le nombre des utilisateurs de téléphones portables a explosé (plus de 5 milliards en 2017), tout comme celui des internautes qui représentent 44% de la population mondiale en 2016, contre seulement 31% en 2011 (document 9). Même si une importante fracture numérique oppose toujours le Nord et le Sud (l’essentiel des flux d’informations restent produits par les pays les plus riches), les pays en développement participent de plus en plus à la mondialisation de l’information (document 10). © Thierry Gasnier

a) Les flux de marchandises: l'aspect le plus visible de la mondialisation

b) Une circulation accélérée des capitaux entre les continents

c) Des flux d'informations planétaires

2. Des mobilités humaines en forte croissance

2. Les mobilités humaines s’accroissent au même rythme que la mondialisation
a) Ces mobilités sont favorisées par l’essor du transport aérien, dont le nombre de passagers est passé de 1,6 milliard en 2000 à 3,7 milliards en 2016. Les grandes routes aériennes mondiales ont la même organisation que les routes maritimes : les 25 plus grands aéroports mondiaux, tous situés en Amérique du Nord, en Europe et en Asie orientale, concentrent 70% du trafic aérien mondial (document 1). Organisés en hubs aéroportuaires par les principales compagnies aériennes, ces aéroports permettent de desservir toutes les régions du monde (document 2).
b) Les migrations internationales se diversifient en même temps qu’elles augmentent. 250 millions de personnes (3% de la population mondiale) vivent aujourd’hui dans un autre pays que celui où elles sont nées ; elles n’étaient que 45 millions dans cette situation en 1965. Une part toujours importante de ces mobilités concerne des populations des pays du Sud migrant, pour des raisons économiques, vers les pays du Nord, mais une part de plus en plus importante des flux migratoires se fait entre pays du Sud (document 3). Ces mobilités ont d’importantes conséquences pour les pays de départ : les remises des migrants représentent plus du tiers du PIB de certains pays, comme le Maroc, et atteignent 50% dans le cas du Tadjikistan (document 4). Mais, en raison de la fermeture physique d’un grand nombre croissant de frontières, les migrations deviennent de plus en plus clandestines (document 5).
c) Les mobilités concernent aussi les élites scientifiques et économiques : l’ « exode des cerveaux » (brain drain) touche un grand nombre de pays du Sud mais aussi des pays du Nord, dont les étudiants, les chercheurs ou les ingénieurs s’exilent pour bénéficier de meilleures conditions de vie et de travail, qu’ils trouvent principalement aux Etats-Unis. L’Afrique, dont un diplômé de l’enseignement supérieur sur neuf vit en dehors du continent, est, en proportion, la région du monde la plus touchée par ce phénomène (document 6). © Thierry Gasnier

a) Des mobilités favorisées par l'essor du transport aérien

b) Des flux migratoires de plus en plus diversifiés

c) Les migrations des élites scientifiques et économiques

3. La mondialisation, objet de nombreux débats

2) La mondialisation engendre des débats de plus en plus nombreux
a) De nombreuses voix dénoncent les dysfonctionnements de la mondialisation. Pour protester contre le poids excessif des grandes entreprises et les insuffisances des organisations internationales dans la gouvernance de l’économie mondiale, les mouvements altermondialistes multiplient les manifestations en marge des réunions du G8 ou de l’OMC (document 1). La première du genre, qui a eu lieu à Seattle en 1999, a durablement marqué les esprits (document 2). De même, un Forum social mondial réunit dans des villes du Sud différentes chaque année – le premier s’est tenu à Porto Alegre au Brésil en 2001 – des altermondialistes venus du monde entier (document 3), au moment où un Forum économique mondial réunit tous les ans, à Davos en Suisse, les dirigeants des principales puissances économiques, des grandes entreprises mondiales et des principales organisations internationales .
b) Les altermondialistes dénoncent les inégalités économiques, les coûts sociaux et les dégâts environnementaux engendrés par la mondialisation. Venus d’horizons très divers (document 4), ils critiquent tout à la fois la financiarisation croissante de l’économie encouragée par les grandes organisations internationales, les pratiques peu citoyennes des grandes entreprises et l’inégale répartition des richesses produites par la mondialisation (document 5). Ils les réclament davantage de reconnaissance pour les acteurs locaux et davantage de protection pour les territoires. Le slogan qui résume le mieux leur action est « Le capitalisme ne marche pas. Un autre monde est possible » (document 6).
c) Les altermondialistes prônent une autre organisation de l’économie mondiale, fondée sur la mise en place d’un développement réellement durable et une meilleure prise en compte des intérêts des citoyens, producteurs ou consommateurs. Pour cela ils encouragent aussi bien le développement du micro-crédit que celui du fair labor ou du commerce équitable (document 7). Issu des milieux altermondialistes, le mouvement des « indignés » réclame quant à lui davantage de contrôle démocratique sur l’économie mondiale (document 8).
d) D’autres voix dénoncent l’affaiblissement des États du fait de la mondialisation. Très éloignés des altermondialistes, des mouvements politiques de plus en plus nombreux et influents, réclament un renforcement des politiques nationales face au marché mondial, voire une « démondialisation » de l’économie (document 9). Ces mouvements souverainistes ou populistes demandent un retour au protectionnisme (document 10) et des contrôles accrus aux frontières, face à la libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux. À la différence des altermondialistes, ils sont hostiles à toute mondialisation © Thierry Gasnier