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Leçon n°9 - États-Unis-Brésil: Rôle mondial, dynamiques territoriales
(cliquez sur les titres des parties et des paragraphes pour faire apparaître le texte et les documents de la leçon)
Cette leçon ne pouvant donner lieu qu’à deux compositions séparées, l’une interrogeant le rôle mondial des États-Unis et du Brésil, l’autre comparant les dynamiques territoriales des deux pays, des introductions et des conclusions distinctes sont nécessaires pour les deux parties de la leçon.
I. Les rôles mondiaux très peu comparables des deux géants des Amériques
La question de la comparaison des rôles mondiaux des États-Unis et du Brésil a pu se poser au début des années 2010, quand le Brésil est devenu le symbole de l’affirmation de l’Amérique du Sud face à l’écrasante domination de l’Amérique du Nord incarnée par les États-Unis. Mais depuis, l’écart entre les deux pays s’est considérablement creusé, à la suite des crises économiques et politiques qui ont stoppé l’émergence de la puissance brésilienne. Dans quelle mesure peut-on encore comparer le rôle que les États-Unis et le Brésil jouent dans le monde d’aujourd’hui ?
1. Deux puissances aux bases relativement similaires
a) Ils ont en commun d’être des États-continents. Le territoire américain a la 4ème superficie du monde (9,3 millions de km2) derrière ceux de la Russie, du Canada et de la Chine ; il s’étend sur 2 500 km du Nord au Sud (c’est la distance qui sépare Athènes de Stockholm) et sur 4 500 km d’Est en Ouest (plus que la distance qui sépare Lisbonne et Moscou) (document 1). Le territoire brésilien a la 5ème superficie du monde (8,5 millions de km2) et s’étend, dans sa plus grande largeur, sur 4 300 km d’Est en Ouest et du Nord au Sud (document 2). Comparables par leur étendue à l’Europe tout entière (10,1 millions de km2), les deux États sont des fédérations regroupant 50 États pour les États-Unis et 26 pour le Brésil, gouvernées à partir de capitales spécialement construites pour rompre avec le passé colonial des deux pays (document 3).
b) Leurs territoires leur fournissent des ressources considérables. Les États-Unis ont un énorme potentiel énergétique: leur production, la 2ème du monde pour le charbon (dans les Appalaches et les Rocheuses), la 3ème du monde pour le pétrole (au Texas et en Alaska), la 4ème du monde pour l’hydroélectricité, s’est encore accrue avec la mise en exploitation des nombreux gisements des gaz de schiste de l’Ouest du pays (document 4). Leur immense surface agricole (plus de 4 millions de km2) et la grande variété de leurs milieux climatiques permettent aussi aux États-Unis d’avoir l’agriculture la plus productive du monde : ils sont les 1ers producteurs mondiaux de maïs, de soja et de viande de bœuf, les 2èmes pour la viande de volailles, les 3èmes pour le coton et les 4èmes pour le blé (document 5). Le Brésil dispose quant à lui d’énormes réserves minérales et énergétiques : 3ème producteur mondial de fer et de bauxite, il est le 2ème producteur mondial d’hydroélectricité et sa production de pétrole est croissante depuis la découverte de vastes gisements off-shore au large de Rio (document 6). Sa surface agricole en augmentation constante (environ 2,8 millions de km2) lui permet de se placer dans les premiers rangs mondiaux pour un grand nombre de produits agricoles (1er pour les oranges, le café et le sucre ; 2ème pour le soja et la viande de bœuf ; 3ème pour le maïs et la viande de volailles) (document 7). Avec l’Amazonie, le Brésil dispose en plus de la plus vaste forêt du monde.
c) Leur population nombreuse est une source de dynamisme pour les deux pays. Avec respectivement 329 et 213 millions d’habitants, les États-Unis et le Brésil ont la 3ème et la 5ème population du monde (document 8). Ils ont aussi en commun d’avoir une population relativement jeune : les plus de 60 ans représentent 25 % de la population française, mais seulement 20 % de la population des États-Unis et 11 % de celle du Brésil. Un écart croissant se creuse toutefois entre les deux pays : si le Brésil subit un effondrement de sa natalité (le nombre d’enfants par femme y est passé en 50 ans de 6,2 à 1,8), les États-Unis ne connaissent qu’un vieillissement limité en raison du million d’immigrants, souvent jeunes, qui entrent chaque année sur leur territoire (document 9) : à la différence du Brésil qui est devenu un pays d’émigration, les États-Unis sont, et de loin, le premier pôle d’immigration au monde (document 10).
Deux États-continents
Avec une superficie de 9,6 millions de km2,
les États-Unis ont le 4e territoire le plus vaste du monde (17 fois la France)
Deux États-continents
La superficie des États-Unis est légèrement inférieure
à celle de l’Europe (10,1 millions de km2)
Deux États-continents
Avec une superficie de 8.5 millions de km2,
le Brésil a le 5e territoire le plus vaste du monde (15 fois la France)
Deux États-continents
La superficie du Brésil est pratiquement comparable
à celle de l’Europe (10,1 millions de km2)
Des territoires aux ressources considérables
Les richesses énergétiques et minérales du territoire américain
Des territoires aux ressources considérables
La diversité des productions agricoles des États-Unis
Des territoires aux ressources considérables
Les ressources minières et agricoles du Brésil
Des populations nombreuses et dynamiques
Les 10 États les plus peuplés du monde en 2017
1 | CHINE | 1 386 millions |
2 | INDE | 1 339 millions |
3 | ÉTATS-UNIS | 325 millions |
4 | INDONÉSIE | 264 millions |
5 | BRÉSIL | 210 millions |
6 | PAKISTAN | 197 millions |
7 | NIGÉRIA | 191 millions |
8 | BANGLADESH | 165 millions |
9 | RUSSIE | 144 millions |
10 | MEXIQUE | 129 millions |
Source : Banque mondiale
Des populations nombreuses et dynamiques
La répartition de la population par âge en 2015
Moins de 20 ans | De 20 à 60 ans | Plus de 60 ans | |
---|---|---|---|
ÉTATS-UNIS | 25.4% | 53.1% | 20.7% |
BRÉSIL | 31.4% | 56.9% | 11.7% |
INDE | 38.2% | 52.9% | 8.9% |
FRANCE | 24.4% | 50.4% | 25.2% |
L'évolution du nombre moyen d'enfants par femme
1960- 1965 | 1970- 1975 | 1980- 1985 | 1990- 1995 | 2000- 2005 | 2010- 2015 | |
---|---|---|---|---|---|---|
ÉTATS-UNIS | 3.23 | 2.02 | 1.80 | 2.03 | 2.04 | 1.89 |
BRÉSIL | 6.15 | 4.72 | 3.80 | 2.60 | 2.25 | 1.82 |
Source : Onu, World Population Prospects, 2017
Des populations nombreuses et dynamiques
Les dix premières provenances
des immigrants légaux aux États-Unis en 2014
MEXIQUE | 13.2% |
INDE | 7.7% |
CHINE | 7.5% |
PHILIPPINES | 4.9% |
CUBA | 4.6% |
RÉPUBLIQUE DOMINICAINE | 4.4% |
VIETNAM | 3.0% |
CORÉE DU SUD | 2.0% |
SALVADOR | 1.9% |
IRAK | 1.9% |
Nombre total d'immigrants : 1 016 518 |
Des populations nombreuses et dynamiques
Les États-Unis, première destination des migrants dans le monde
Deux États-continents
Avec une superficie de 9,6 millions de km2,
les États-Unis ont le 4e territoire le plus vaste du monde (17 fois la France)
b) Des territoires aux ressources considérables
c) Des populations nombreuses et dynamiques
Des populations nombreuses et dynamiques
Les 10 États les plus peuplés du monde en 2017
1 | CHINE | 1 386 millions |
2 | INDE | 1 339 millions |
3 | ÉTATS-UNIS | 325 millions |
4 | INDONÉSIE | 264 millions |
5 | BRÉSIL | 210 millions |
6 | PAKISTAN | 197 millions |
7 | NIGÉRIA | 191 millions |
8 | BANGLADESH | 165 millions |
9 | RUSSIE | 144 millions |
10 | MEXIQUE | 129 millions |
Source : Banque mondiale
Des populations nombreuses et dynamiques
La répartition de la population par âge en 2015
Moins de 20 ans | De 20 à 60 ans | Plus de 60 ans | |
---|---|---|---|
ÉTATS-UNIS | 25.4% | 53.1% | 20.7% |
BRÉSIL | 31.4% | 56.9% | 11.7% |
INDE | 38.2% | 52.9% | 8.9% |
FRANCE | 24.4% | 50.4% | 25.2% |
L'évolution du nombre moyen d'enfants par femme
1960- 1965 | 1970- 1975 | 1980- 1985 | 1990- 1995 | 2000- 2005 | 2010- 2015 | |
---|---|---|---|---|---|---|
ÉTATS-UNIS | 3.23 | 2.02 | 1.80 | 2.03 | 2.04 | 1.89 |
BRÉSIL | 6.15 | 4.72 | 3.80 | 2.60 | 2.25 | 1.82 |
Source : Onu, World Population Prospects, 2017
Des populations nombreuses et dynamiques
Les dix premières provenances
des immigrants légaux aux États-Unis en 2014
MEXIQUE | 13.2% |
INDE | 7.7% |
CHINE | 7.5% |
PHILIPPINES | 4.9% |
CUBA | 4.6% |
RÉPUBLIQUE DOMINICAINE | 4.4% |
VIETNAM | 3.0% |
CORÉE DU SUD | 2.0% |
SALVADOR | 1.9% |
IRAK | 1.9% |
Nombre total d'immigrants : 1 016 518 |
Des populations nombreuses et dynamiques
Les États-Unis, première destination des migrants dans le monde
2. Deux puissances inégales dans de nombreux domaines
a) L’économie des États-Unis reste dominante, l’économie du Brésil n’est qu’émergente (et fragile). Les deux pays n’ont d’abord pas le même poids économique. Le PIB des États-Unis, le 1er du monde est dix fois supérieur à celui du Brésil, qui n’arrive qu’au 9ème rang mondial. L’écart entre les deux pays, qui était de 1 à 15 il y a quinze ans et qui s’était réduit pendant les années 2000 sous l’effet de la forte croissance de l’économie brésilienne (7,5 % en 2010), se creuse aujourd’hui, à cause de la récession qui frappe le Brésil depuis près de cinq ans (-3,6 % de croissance en 2016 et seulement 1% en 2017) (document 1). Les deux pays n’ont pas non plus le même poids dans la mondialisation : les États-Unis ont avec le NYSE et le Nasdaq les 2 premières bourses du monde et ils produisent 132 des 500 premières FTN mondiales, alors que le Brésil, qui ne place que sept FTN parmi les 500 premières du monde n’a que la 18ème bourse mondiale, celle de Sao Paulo (document 2). Les États-Unis sont par ailleurs les 1ers émetteurs et récepteurs d’IDE au monde alors que le Brésil n’était en 2016 qu’au 7ème rang mondial pour les IDE entrants et au 25ème rang mondial pour les IDE sortants. Les États-Unis sont enfin les 1ers importateurs et les 2èmes exportateurs du monde, alors que le Brésil n’est qu’au 23ème rang mondial pour ses exportations (qui ont pourtant beaucoup augmenté) et au 25ème rang mondial pour ses importations (document 3). L’un des rares points communs entre les deux pays est l’importance de leurs exportations agricoles, qui se placent parmi les toutes premières du monde, grâce à un agrobusiness très performant (document 4).
b) Les deux pays ont un rayonnement très différent. Les États-Unis ont d’abord un Hard Power largement supérieur à celui du Brésil : ils ont le 1er budget militaire (plus de 40% du total mondial) et la 2ème armée du monde, derrière celle de la Chine (document 5). Présents militairement sur tous les continents et sur tous les océans, ils ont aussi le premier réseau diplomatique mondial et sont les premiers contributeurs au budget de l’Organisation des Nations-Unies, où ils ont depuis 1945 un siège de membre permanent au Conseil de sécurité (document 6). Enfin, ils disposent, avec le dollar, de la monnaie la plus influente du monde. Le Brésil n’a quant à lui que le 11ème budget militaire mondial et ses moyens militaires et diplomatiques, même s’ils se sont accrus, restent encore très limités (document 7). Les États-Unis ont par ailleurs un Soft Power unique au monde. Ils sont les premiers exportateurs mondiaux de films, de séries ou de musique (environ 50 % du total mondial), grâce à la puissance de leur industrie culturelle, mais aussi grâce à une culture nourrie d’influences venues de tous les continents qui peut être exportée dans le monde entier. Leurs universités attirent aussi des étudiants et des chercheurs de tous les continents et ils disposent, avec l’anglais, de la langue de communication mondiale (document 8). En comparaison, le Brésil a une capacité d’influence limitée, qui s’est longtemps réduite à l’exportation de ses footballeurs et de ses telenovelas, ces séries télévisées surtout vendues dans les pays les moins développés. Ces dernières années, le Brésil s'est toutefois montré capable d’organiser des événements planétaires, comme la Coupe du monde de football en 2014 ou les Jeux Olympiques de Rio en 2016 (document 9).
Une économie dominante, une économie émergente (et fragile)
L’évolution des PIB des États-Unis et du Brésil, en milliards de dollars
Une économie dominante, une économie émergente (et fragile)
Les bourses américaines en 2012
(celle de Sao Paulo est au 18e rang mondial en 2019)
Les 10 premières FTN américaines en 2018
(Sur les 500 premières FTN mondiales, 132 sont américaines)
Compagnie | Rang dans les 500 premières du monde | Chiffre d’affaire ( en millions de $) |
---|---|---|
Wal-Mart Stores | 1 | 500 343 |
Exxon Mobil | 9 | 244 363 |
Berkshire Hathaway | 10 | 242 137 |
Apple | 11 | 229 234 |
McKesson | 13 | 208 357 |
United Health | 15 | 201 159 |
CVS Health | 17 | 184 765 |
Amazon.com | 18 | 177 866 |
AT&T | 20 | 160 546 |
General Motors | 21 | 157 311 |
Les FTN brésiliennes présentes dans les 500 premières mondiales
Compagnie | Rang dans les 500 premières du monde | Chiffre d’affaire ( en millions de $) |
---|---|---|
Petrobras | 73 | 88 827 |
Itau Unibanco Holding | 133 | 66 287 |
Banco Bradesco | 166 | 58 062 |
Banco do Brasil | 175 | 55 269 |
JBS | 199 | 51 118 |
Vale | 325 | 35 713 |
Ultrapar Holdings | 470 | 25 065 |
Source : Fortune Global 500
Une économie dominante, une économie émergente (et fragile)
Les flux d’IDE des États-Unis et du Brésil, en milliards de dollars
Une économie dominante, une économie émergente (et fragile)
Le commerce extérieur des États-Unis et du Brésil, en milliards de dollars
Une économie dominante, une économie émergente (et fragile)
États-Unis et Brésil : les deux premières « fermes du monde »
a) Une économie dominante, une économie émergente (et fragile)
b) Deux pays au rayonnement très différent
3. Une puissance mondiale, une puissance régionale
a) Le Brésil a voulu être un acteur majeur de l’émergence des pays du Sud. Profitant de sa forte croissance économique des années 2000, le Brésil a tenté de développer une politique extérieure à l’échelle du monde, en participant à de nombreuses missions de maintien de la paix de l’ONU, en revendiquant un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations-Unies, en participant aux réunions des BRICS depuis 2011 ou en formant un partenariat privilégié avec l’Inde et l’Afrique du Sud (l’IBSA) (document 1). La diplomatie brésilienne a aussi joué un rôle majeur dans les négociations de l’OMC en s’opposant à l’Europe et aux États-Unis sur la libéralisation du commerce des produits agricoles. L'émergence de la puissance brésilienne s’est surtout fait sentir en Amérique latine, où les entreprises brésiliennes ont multiplié les investissements et où les principales organisations d’intégration régionales(le Mercosur, l’UNASUR ou la CELAC) sont dues à des initiatives du Brésil (document 2). L’influence brésilienne s’est aussi étendue en Afrique (et surtout dans les pays lusophones comme l’Angola ou le Mozambique) grâce à de nombreux investissements dans les infrastructures de transport ou dans les secteurs de l’énergie et des matières premières (document 3).
b) En dépit de ces efforts, le rôle mondial du Brésil reste très modeste et très éloigné de celui des États-Unis. Cela est dû aux faibles performances de l’économie brésilienne et à la crise politique que le pays traverse ces dernières années : si la croissance des années 2000 a permis au Brésil de s’affirmer comme une puissance émergente, tout en réduisant la pauvreté à l’intérieur de ses frontières, la récession actuelle, qui le prive d’une partie de ses moyens d’action à l’étranger, rend aussi visibles les limites de son développement et la persistance de très grandes inégalités au sein de la société brésilienne. L’IDH du Brésil (0,759, au 79ème rang mondial) est très éloigné de celui des États-Unis (0,924, au 13ème rang mondial) (document 4).
c) Les États-Unis restent une hyperpuissance mondiale sans équivalent. La puissance américaine s’exerce quant à elle sur tous les continents, comme en témoigne la participation des États-Unis à des organisations aussi bien européennes (l’OTAN) qu’asiatiques (l’APEC) ou américaines (l’OEA). Les États-Unis dominent également les organisations internationales dont ils assurent une grande partie du financement (l’ONU, mais aussi la Banque Mondiale ou le FMI), ainsi que le G7 et l’OMC (document 5). Longtemps accusée d’impérialisme, puis contestée pour son unilatéralisme dans les années 2000 avant d’être aujourd’hui menacée par la montée en puissance de la Chine (qui détient une grande partie de la dette publique américaine), la suprématie américaine est en constante adaptation (document 6). C’est ce qui explique la diplomatie du « smart power » mise en place par Obama pendant sa présidence autant que le retour à un certain isolationnisme revendiqué par l’administration Trump : confrontés à des inégalités croissantes (15 % des Américains vivent en-dessous du seuil de pauvreté), les Etats-Unis se concentrent de plus en plus sur leurs problèmes intérieurs (document 7).
a) Le Brésil, un acteur majeur de l'émergence du Sud dans les années 2000
b) Le Brésil, une puissance aujourd'hui limitée dans ses ambitions
c) Les États-Unis, une hyperpuissance mondiale
Même si elles restent donc comparables sur quelques points, les puissances américaines et brésiliennes ont de moins en moins de choses en commun, particulièrement leur rôle mondial.
II. Les dynamiques territoriales très voisines des États-Unis et du Brésil
Comparables par leur superficie – avec 9,3 millions de km2, le territoire des États-Unis est le 4ème le plus vaste du monde, alors que celui du Brésil se place au 5ème rang mondial avec 8,5 millions de km2 –, les territoires américains et brésiliens ont de nombreux points communs, tant dans leur construction que dans leur organisation. Comment la puissance des deux pays se reflète-t-elle dans leurs dynamiques territoriales respectives ?
1. Des constructions territoriales identiques
a) Les deux territoires sont hérités de la colonisation européenne. Initialement regroupés dans les treize colonies britanniques qui deviennent les États-Unis à la fin du XVIIIe siècle, les Américains prennent ensuite le contrôle de l’ensemble de leur territoire en à peine un siècle. Cette colonisation très rapide se fait dans le cadre de la Frontier, un front pionnier organisé par le gouvernement fédéral. Favorisée à la fois par l’afflux de migrants européens (la population des États-Unis passe de 6 à 75 millions d’habitants entre 1800 et 1900) et par la mise en place de chemins de fer transcontinentaux, elle est officiellement achevée en 1890 (document 1). Au Brésil, la colonisation a été beaucoup plus progressive : commencée au XVIe siècle par l’installation des premiers colons portugais au Nord-Est (la première capitale du Brésil est Salvador de Bahia), elle s’étend vers le Sud et vers l’Ouest, au rythme de cycles successifs d’exploitation des matières premières, le sucre, le coton, le café, puis l’or et le caoutchouc. C’est seulement au XXe siècle que le gouvernement brésilien programme la conquête et l’exploitation du centre du pays, dont Brasilia, la nouvelle capitale inaugurée en 1960, veut être le symbole (document 2).
b) Les deux territoires sont très inégalement peuplés. Aux États-Unis (35 hab/km2) comme au Brésil (25 hab/km2), les densités moyennes sont faibles, mais elles recouvrent d’importantes disparités de peuplement. Aux États-Unis, le 100ème méridien sépare les régions de fortes densités de l’Est (qui regroupent plus de la moitié de la population américaine) et les régions de l’Ouest, où les faibles densités dominent, sauf sur la côte du Pacifique (document 3). Au Brésil, les fortes densités se trouvent dans les régions proches de l’Océan Atlantique (70 % de la population brésilienne se concentre au Nord-Est et au Sud-Est), alors que les régions de l’intérieur ont des densités faibles (moins de 15 hab/km2 pour le Centre-Ouest, voire très faibles (moins de 1 hab/km2 pour l’Amazonie) (document 4).
a) Des territoires hérités de la colonisation européenne
b) Des territoires inégalement peuplés
2. Une même organisation territoriale
a) Les territoires des États-Unis et du Brésil s’organisent autour de puissantes métropoles. Les deux pays sont urbanisés à plus de 80 % et une grande partie de leur population vit dans les plus grandes villes : un tiers de la population américaine se regroupe dans 12 villes de plus de 5 millions d’habitants, dont trois mégapoles majeures, New York (23 millions), Los Angeles (18 millions) et Chicago (10 millions) (document 1). Au Brésil, où le Sud-Est, urbanisé à plus de 90 %, s’oppose au Nord-Est plus rural, les agglomérations les plus importantes sont Sao Paulo (21 millions d’habitants) et Rio de Janeiro (13 millions), mais les villes qui enregistrent les plus fortes croissances sont celles du Nord et de l’Ouest, comme Manaus ou Fortaleza (document 2). Toutes ces métropoles, qui sont les centres de la puissance des deux pays, ont des structures spatiales très voisines, marquées par la concentration des fonctions de commandement dans des quartiers d’affaires centraux (CBD) (document 3), par un fort étalement urbain (Sao Paulo s’étend sur 100 km d’Est en Ouest et sur 60 km du Nord au Sud ; Los Angeles sur 100 km du Nord au Sud) et par des disparités socio-spatiales très marquées : au centre comme dans la périphérie des agglomérations, les quartiers les plus aisés et les mieux équipés, parfois constitués en communautés fermées (gated communities ou condominios fechados) s’opposent aux quartiers dégradés souvent défavorisés et, au Brésil, aux zones d’habitats précaires et spontanés (les favelas). Celles-ci regroupent la moitié de la population de Belém et 20 % de celle de Rio de Janeiro (document 4).
b) Ces territoires sont largement ouverts sur le monde. Dotés de près de 20 000 km de côtes, les États-Unis disposent de trois façades maritimes majeures qui permettent de nombreux échanges avec l’Europe, l’Asie et l’Amérique latine : l’une sur l’Océan Atlantique autour du port de New York, l’autre sur le Golfe du Mexique, autour des ports de Houston et de South Louisiana, et la troisième sur l’Océan Pacifique, autour des ports californiens de Los Angeles et Long Beach (document 5). Au Brésil, les 7 500 km de la côte atlantique s’organisent autour de deux façades maritimes, celle du Sud-Est autour de Santos, le port de Sao Paulo, et Sepetiba, le port de Rio, et celle du Nord, autour du port d’Itaqui en plein essor (document 6). Ces régions sont aussi les principales portes d’entrée des territoires américains et brésiliens : on y trouve les plus grands hubs aéroportuaires des deux pays, Atlanta, Chicago, Los Angeles, Dallas et New York (qui figurent parmi les 15 premiers aéroports mondiaux) pour les États-Unis, Sao Paulo, Rio de Janeiro et Brasilia pour le Brésil (document 7).
c) Leurs réseaux de transport sont en revanche inégalement développés. Avec plus de 6 millions de kilomètres de routes et plus de 200 000 km de voies ferrées, les États-Unis ont le réseau de transport terrestre le plus étendu du monde ; ils sont aussi dotés d’un vaste réseau de transport fluvial formé par le Mississippi et ses affluents et par les Grands Lacs reliés à l’Océan Atlantique par le fleuve Saint-Laurent. Ces réseaux, beaucoup plus denses à l’Est qu’à l’Ouest du pays, forment des « ponts continentaux » entre l’Atlantique, le Pacifique et le Golfe du Mexique et assurent l’essentiel de la circulation des marchandises (document 8). La circulation des hommes est quant à elles majoritairement assurée par les voies aériennes : les États-Unis réalisent à eux seuls le quart du trafic aérien mondial (document 9). Le Brésil est dans une situation différente, car le réseau ferroviaire y est presque inexistant et les liaisons routières et aériennes ne sont denses que dans la partie orientale du pays. Plusieurs axes routiers destinés à désenclaver l’Amazonie ont été mis en chantier, mais ils sont loin d’être achevés, tout comme le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse entre Rio et Sao Paulo. Une grande partie du territoire brésilien reste à aménager (document 10).
a) Des territoires organisés autour des grandes métropoles
b) Des territoires largement ouverts sur le monde
c) Mais des réseaux de transports inégalement développés
3. Des sources de dynamisme peu comparables
a) Les économies des États-Unis et du Brésil n’ont pas les mêmes moteurs. La puissance de l’économie américaine repose avant tout sur l’innovation technique et le capital humain. Les régions les plus dynamiques du pays sont donc celles où se développent les activités tertiaires et de haute technologie, autour de technopôles associant, à l’exemple de la Silicon Valley de San Francisco ou de la Route 128 de Boston, des industries de pointe, des laboratoires de recherche et des universités performantes (document 1). La croissance de l’économie brésilienne est quant à elle fondée sur la mise en exploitation des immenses réserves de matières premières du pays, et en particulier celles de l’Amazonie où se multiplient les fronts pionniers agricoles et miniers (document 2). Aux États-Unis, seul l’Ouest du pays et ses réserves d’hydrocarbures présentent quelque chose d’équivalent.
b) Les deux pays développent tous deux de nombreux échanges avec leurs voisins. Grâce à la mise en place de l’ALENA et du Mercosur, des régions transfrontalières dynamiques se sont développées entre le Brésil, l’Argentine, le Paraguay (dans la région de la « Triple Frontière »), mais plus encore entre les États-Unis et le Canada (dans la « Main Street America » le long du Saint-Laurent et dans la « Pugetopolis » entre Seattle et Vancouver), ainsi qu'entre les États-Unis et le Mexique (dans la « Mexamerica » qui s’étend du Texas à la Californie) (document 3). Dans cette dernière région, un réseau de « villes jumelles » (twin cities) reflète la forte complémentarité des économies américaine et mexicaine. (document 4).
c) Les déplacements de leurs population n’obéissent pas non plus aux mêmes logiques. Si les populations américaines et brésiliennes sont toutes deux caractérisées par une grande mobilité, celle-ci n’a pas les mêmes raisons dans les deux pays : au Brésil, les populations du Nordeste migrent vers le Sud-Est ou vers les fronts pionniers de l’Amazonie pour fuir la misère surtout présente dans les campagnes (document 5), alors qu'aux États-Unis une partie de la population des régions du Nord-Est migre vers les régions du Sud et de l’Ouest pour y trouver un cadre de vie plus agréable et des emplois plus nombreux. Ces régions du Sud et de l’Ouest attirent aussi une très forte immigration, provenant surtout d’Amérique latine (document 6).
a) Des facteurs d’évolution propres à chacune des deux économies
b) Les mêmes intenses relations transfrontalières avec leurs voisins
c) Des mobilités humaines aux logiques différentes
4. Des disparités régionales également fortes dans les deux pays
a) Les territoires des États-Unis et le Brésil deviennent de plus en plus polycentriques. Les deux pays ont en commun d’être organisés autour d’une région centrale, elle-même structurée par un « hypercentre » : aux États-Unis, le Manufacturing Belt, qui s’étend du Nord-Est de la côte atlantique jusqu’aux Grands Lacs et qui est le cœur du peuplement et de l’activité du pays (40% de la production industrielle) s’organise autour de la Megalopolis, où se trouvent, de Boston à Washington, les principaux centres de décision de l’économie américaine (document 1). Au Brésil, la région dominante est le Sudeste, organisé autour du « triangle industriel » formé par les principales métropoles du pays, Rio de Janeiro, Sao Paulo et Belo Horizonte (document 2). Mais ces régions centrales sont de plus en plus concurrencées par de nouvelles régions motrices : aux États-Unis, le « Croissant périphérique », ou Sun Belt, regroupe autour de la Floride, du Texas et de la Californie les régions les plus dynamiques, dont l’activité s’appuie sur les nouvelles technologies, le tourisme et l’exploitation pétrolière (document 3). Au Brésil, la région du Sud (de Porto Alegre à Curitiba) prolonge de plus en plus le dynamisme du Sudeste (document 4).
b) Les périphéries des deux pays connaissent des intégrations très variables. Les régions du Centre des États-Unis – regroupées dans la « Diagonale intérieure » – ont des fonctions très différentes : le « Vieux Sud » (au Sud-Est) accueille un nombre croissant de délocalisations venues du Nord-Est, les Grandes Plaines, exploitées par l’une des agricultures les plus intensives du monde, sont le « grenier » des États-Unis, alors que les Montagnes Rocheuses, l’Alaska ou Hawaii sont des réserves d’espaces, protégées par de nombreux parcs naturels (document 5). Au Brésil, un très fort contraste oppose des régions en cours d’intégration (la région d’agriculture intensive du Centre et les régions pionnières d’Amazonie) au Nordeste, qui est de loin la région la plus pauvre du pays et qui concentre tous ses problèmes de développement (document 6).
a) Des territoires de plus en plus polycentriques
b) Des périphéries très différemment intégrées
Si les deux pays ont sensiblement les mêmes organisations et les mêmes dynamiques territoriales, leurs niveaux de développement très différents font que les problématiques d’aménagement n’y sont pas du tout les mêmes. Pour l’un de ses géographes, « le Brésil, c’est le Pakistan [le Nordeste], le Far West [l’Amazonie] et la Suisse [le Sudeste] dans un même pays » (H. Théry).
Schéma de synthèse:
Les dynamiques territoriales des États-Unis et du Brésil