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Leçon n°3 - Le projet d’une Europe politique depuis le Congrès de La Haye (1948)
(cliquez sur les titres des parties et des paragraphes pour faire apparaître le texte et les documents de la leçon)
Très ancienne, l'idée d’une Europe unie devient après 1945, une nécessité qui prend peu à peu une forme concrète, de la CECA en 1951 à la CEE en 1957 puis à l'Union européenne en 1992. Longtemps limitée à la mise en place d’un espace économique, la construction européenne a aussi cherché à donner au continent une gouvernance politique. Mais si l’Europe a pu acquérir certaines des caractéristiques d’un État, elle est encore loin d’avoir constitué un gouvernement à l’échelle du continent et de parler d'une seule voix dans le monde.
Comment ce projet d'une Europe politique a-t-il évolué et à quels obstacles s’est-il heurté depuis 1948 ?
I. Les premiers pas de la construction européenne (1948-1957)
1. Comment unir les peuples européens après la 2nde Guerre mondiale ?
a) La réunion du Congrès de La Haye est un moment décisif. Dans une Europe dévastée par six années de guerre, de multiples voix s’élèvent après 1945 pour réclamer une union des peuples et des États du continent. En mai 1948, un « Congrès de l’Europe » rassemble à La Haye près de 800 partisans d’une Europe unie, sous la présidence de Winston Churchill, qui a lancé en 1946 un appel à la création des « États-Unis d’Europe » (document 1). Le congrès s’achève par trois déclarations très ambitieuses : une « déclaration politique », demandant aux États européens de mettre en commun des pans entiers de leur souveraineté ; une « déclaration économique », réclamant la mise en place d’un espace de libre circulation des marchandises et des capitaux ; une « déclaration culturelle », appelant à la protection des droits de l’homme sur tout le continent (document 2).
b) Plusieurs raisons expliquent la mise en œuvre de ce projet d’unification de l’Europe. Il y a d’abord la volonté d’établir une paix durable en Europe, qu’ont manifestée, dès 1944, des mouvements de résistance européens réunis à Genève (document 3). Mais une telle union, également nécessaire après la victoire de 1945 pour assurer la reconstruction du continent (document 4), apparaît surtout indispensable à partir de 1947 pour protéger l’Europe de l’Ouest de la menace soviétique. Dès ses débuts, la construction européenne est étroitement liée aux débuts de la Guerre froide (document 5).
c) Les réalisations du Congrès de l’Europe sont pourtant très limitées. Les participants se divisent entre une minorité de « fédéralistes », partisans d’une Europe supranationale imposant sa volonté aux États, et une majorité d’« unionistes », partisans d’une coopération entre États conservant leur propre souveraineté (document 6). C’est ce qui explique que le Congrès ne donne naissance qu’à une assemblée sans réels pouvoirs, le Conseil de l’Europe, qui est installé à Strasbourg en 1948 et dont la seule réalisation concrète est la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 (document 7). Deux autres organisations, beaucoup plus efficaces, regroupant les États européens apparaissent à la même époque, mais sous l’impulsion des États-Unis : l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) créée en 1948 pour répartir les crédits du Plan Marshall et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) qui associe, à partir de 1949, les pays de l’Europe de l’Ouest aux États-Unis et au Canada, face à la menace de l’URSS (document 8).
Le Congrès de l'Europe à La Haye (mai 1948)
Un nom et un hymne qui résument le programme du Congrès
Le Congrès de l'Europe à La Haye (mai 1948)
Aux origines du Congrès de La Haye: le discours de Zürich
Premier ministre du Royaume-Uni de 1940 à 1945, Churchill multiplie ensuite les appels à l’union des peuples européens.
Nous devons ériger quelque chose comme les États-Unis d’Europe. C'est la voie pour que des centaines de millions d'êtres humains aient la possibilité de s'accorder ces petites joies et ces espoirs qui font que la vie vaut la peine d'être vécue. On peut y arriver d'une manière fort simple. Il suffit de la résolution des centaines de millions d'hommes et de femmes de faire le bien au lieu du mal, pour récolter alors la bénédiction au lieu de la malédiction. […].
J'en viens maintenant à une déclaration qui va vous étonner. Le premier pas vers une nouvelle formation de la famille européenne doit consister à faire de la France et de l'Allemagne des partenaires. Seul, ce moyen peut permettre à la France de reprendre la conduite de l'Europe. On ne peut pas s'imaginer une renaissance de l'Europe sans une France intellectuellement grande et sans une Allemagne intellectuellement grande.
Winston Churchill, discours du 19 septembre 1946
Le Congrès de l'Europe à La Haye (mai 1948)
La Déclaration politique
Le Congrès [...] déclare que l'heure est venue pour les nations de l'Europe de transférer certains de leurs droits souverains pour les exercer désormais en commun, en vue de coordonner et de développer leurs ressources. [...]
La Déclaration économique
Déclaration économique et sociale.
Le Congrès [...] invite tous les gouvernements intéressés à annoncer leur volonté de s'engager dans la voie de l'union économique [par] des dispositions tendant à [...] réduire et, dans tous les cas où cela est possible, abolir finalement les tarifs douaniers entre les États participants, [...] préparer ainsi la libre convertibilité des monnaies et le rétablissement progressif de la liberté du commerce entre les pays de l'Europe. [...]
Considère que [...] l'Union européenne devra par la suite assurer dans toute son étendue : la libre circulation des capitaux, l'unification monétaire, l'assainissement concerté des politiques budgétaires et du crédit, l'Union douanière complète, comportant l'abolition de toutes les barrières opposées à la circulation des marchandises entre les pays de l'Union et l'application aux pays tiers de tarifs suffisamment modérés pour ne pas entraver les courants normaux et le développement du commerce mondial, l'harmonisation des législations sociales.
La Déclaration culturelle
Le Congrès [...] considère que la défense des droits de l'homme est l'axe même de nos efforts vers une Europe unie; qu'une Charte des droits de l'homme est insuffisante et qu'il faut lui conférer un caractère juridiquement obligatoire, en l'appuyant sur une convention conclue entre les États membres de l'Union Européenne.
Les raisons d’un tel congrès
Établir une paix durable en Europe
La résistance à l’oppression nazie qui unit les peuples d’Europe dans un même combat a créé entre eux une solidarité et une communauté de but et d’intérêts. […]
Les hommes libres qui font parties aujourd’hui des mouvements de résistance […] affirment que la vie des peuples qu’ils représentent doit être fondée sur le respect de la personne, la sécurité, la justice sociale, l’utilisation intégrale des ressources économiques en faveur de la collectivité tout entière. […]
Ces buts ne peuvent être atteints que si les divers pays du monde acceptent de dépasser le dogme de la souveraineté absolue des États en s’intégrant dans une unique organisation fédérale […].
La paix européenne est la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour origine l’existence sur ce continent de trente États souverains. Il importe de remédier à cette anarchie par la création d’une Union fédérale entre les peuples européens.
Manifeste des résistances européennes, publié à Genève en mai 1944
Les raisons d’un tel congrès
Reconstruire l'Europe ravagée par la guerre
Les raisons d’un tel congrès
Protéger l'Europe de l'Ouest de la menace soviétique
Caricature allemande de 1950
Les raisons d’un tel congrès
Protéger l'Europe de l'Ouest de la menace soviétique
La « une » du journal L'Aurore du 8 mai 1948
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Le point de vue fédéraliste
Le néerlandais Henri Brugmans est le président de l'Union Européenne des Fédéralistes, qui organise le Congrès de La Haye
On aura beau se battre sur tel projet national de politique fiscale, sur une nationalisation de plus ou de moins, sur tel ou tel degré de dirigisme national - tout cela ne va pas au fond du problème.
Le vrai problème, c'est de créer l'organisation supranationale de l'Europe, seule capable de nous offrir un vaste marché intérieur, base d'une prospérité solide. Rééquipement technique, mise en commun de nos ressources, division du travail entre les peuples : tout cela est illusoire, tant que subsiste le compartimentage national. Résolvons donc d'abord la question préalable, qui est de fédérer l'Europe.
Henri Brugmans, discours du 7 mai 1948
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Le point de vue « unioniste »
Je suis fier de ce Congrès. Mais nous n'avons pas le droit de nous reposer sur des platitudes bienveillantes et sur de vagues généralisations. Nous savons et nous devons affirmer ce que nous entendons et ce que nous voulons. Il ne serait pas sage, d'autre part, à cette époque critique, de nous laisser aller à des tentatives compliquées pour l'établissement de projets de constitution rigides. C'est là une étape ultérieure, étape où les gouvernements au pouvoir doivent prendre la direction des affaires, en réponse à l'impulsion que nous leur aurons donnée, et dans bien des cas,conformément à leurs propres conceptions. Nous sommes ici pour établir les fondements sur lesquels pourront se dresser les hommes d'État des démocraties occidentales, créer une atmosphère favorable aux décisions qu'ils seront amenés à prendre. Ce n'est pas à nous, qui ne détenons pas l'autorité des gouvernements, d'affronter le monde avec des formules rigides ou des dispositifs détaillés.
Winston Churchill, discours du 7 mai 1948
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Les divisions des Européens à l’origine de l’échec du Congrès de la Haye
Denis de Rougemont, délégué général de l'Union européenne des fédéralistes, publie, à l'automne 1948, ses impressions sur le congrès.
La presse continentale dans son ensemble a parlé du congrès de l'Europe comme d'un congrès « fédéraliste ». En réalité, les groupes fédéralistes s'y trouvaient en minorité à tous égards. Tant par le nombre que par le prestige des hommes d'État qui la représentaient, la tendance « unioniste » dominait largement. [...] On vit le congrès rallier progressivement quelque chose dont il refusait le nom ou l'étiquette avec obstination, mais qui n'en est pas moins le programme fédéraliste. [...] Un désir évident d'aboutir, né du sentiment général de la gravité de l'enjeu, eut sans nul doute mené le congrès beaucoup plus loin – s'il n'y avait eu les Britanniques. [...] Pour nous, continentaux, c'est l'Europe qui est en jeu. Pour les Anglais, c'est tout d'abord l'Empire.
Denis de Rougemont, L'Europe enjeu, La Baconnière, 1948
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Le siège du Conseil de l’Europe, à Strasbourg en 1949
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Une assemblée sans réels pouvoirs
« Conseil de l'Europe....Pas de pronostics »,
caricature publiée en août 1949 dans le journal satirique allemand Der Tintenfisch.
« Je déclare ouverte la première séance.... Avec ceci, je clos la dernière séance »
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Un texte fondamental: La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (1950)
Les gouvernements signataires, membres du Conseil de l'Europe,
Considérant la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948;
Considérant que cette déclaration tend à assurer la reconnaissance et l'application universelles et effectives des droits qui y sont énoncés;
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que l'un des moyens d'atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Réaffirmant leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique, d'une part, et, d'autre part, sur une conception commune et un commun respect des droits de l'homme dont ils se réclament;
Résolus, en tant que gouvernements d'États européens animés d'un même esprit et possédant un patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit, à prendre les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle,
Sont convenus de ce qui suit:
a) Le Congrès de l'Europe à La Haye (mai 1948)
Le Congrès de l'Europe à La Haye (mai 1948)
Un nom et un hymne qui résument le programme du Congrès
Le Congrès de l'Europe à La Haye (mai 1948)
Aux origines du Congrès de La Haye: le discours de Zürich
Premier ministre du Royaume-Uni de 1940 à 1945, Churchill multiplie ensuite les appels à l’union des peuples européens.
Nous devons ériger quelque chose comme les États-Unis d’Europe. C'est la voie pour que des centaines de millions d'êtres humains aient la possibilité de s'accorder ces petites joies et ces espoirs qui font que la vie vaut la peine d'être vécue. On peut y arriver d'une manière fort simple. Il suffit de la résolution des centaines de millions d'hommes et de femmes de faire le bien au lieu du mal, pour récolter alors la bénédiction au lieu de la malédiction. […].
J'en viens maintenant à une déclaration qui va vous étonner. Le premier pas vers une nouvelle formation de la famille européenne doit consister à faire de la France et de l'Allemagne des partenaires. Seul, ce moyen peut permettre à la France de reprendre la conduite de l'Europe. On ne peut pas s'imaginer une renaissance de l'Europe sans une France intellectuellement grande et sans une Allemagne intellectuellement grande.
Winston Churchill, discours du 19 septembre 1946
Le Congrès de l'Europe à La Haye (mai 1948)
La Déclaration politique
Le Congrès [...] déclare que l'heure est venue pour les nations de l'Europe de transférer certains de leurs droits souverains pour les exercer désormais en commun, en vue de coordonner et de développer leurs ressources. [...]
La Déclaration économique
Déclaration économique et sociale.
Le Congrès [...] invite tous les gouvernements intéressés à annoncer leur volonté de s'engager dans la voie de l'union économique [par] des dispositions tendant à [...] réduire et, dans tous les cas où cela est possible, abolir finalement les tarifs douaniers entre les États participants, [...] préparer ainsi la libre convertibilité des monnaies et le rétablissement progressif de la liberté du commerce entre les pays de l'Europe. [...]
Considère que [...] l'Union européenne devra par la suite assurer dans toute son étendue : la libre circulation des capitaux, l'unification monétaire, l'assainissement concerté des politiques budgétaires et du crédit, l'Union douanière complète, comportant l'abolition de toutes les barrières opposées à la circulation des marchandises entre les pays de l'Union et l'application aux pays tiers de tarifs suffisamment modérés pour ne pas entraver les courants normaux et le développement du commerce mondial, l'harmonisation des législations sociales.
La Déclaration culturelle
Le Congrès [...] considère que la défense des droits de l'homme est l'axe même de nos efforts vers une Europe unie; qu'une Charte des droits de l'homme est insuffisante et qu'il faut lui conférer un caractère juridiquement obligatoire, en l'appuyant sur une convention conclue entre les États membres de l'Union Européenne.
b) Les raisons d’un tel congrès
Les raisons d’un tel congrès
Établir une paix durable en Europe
La résistance à l’oppression nazie qui unit les peuples d’Europe dans un même combat a créé entre eux une solidarité et une communauté de but et d’intérêts. […]
Les hommes libres qui font parties aujourd’hui des mouvements de résistance […] affirment que la vie des peuples qu’ils représentent doit être fondée sur le respect de la personne, la sécurité, la justice sociale, l’utilisation intégrale des ressources économiques en faveur de la collectivité tout entière. […]
Ces buts ne peuvent être atteints que si les divers pays du monde acceptent de dépasser le dogme de la souveraineté absolue des États en s’intégrant dans une unique organisation fédérale […].
La paix européenne est la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour origine l’existence sur ce continent de trente États souverains. Il importe de remédier à cette anarchie par la création d’une Union fédérale entre les peuples européens.
Manifeste des résistances européennes, publié à Genève en mai 1944
Les raisons d’un tel congrès
Protéger l'Europe de l'Ouest de la menace soviétique
La « une » du journal L'Aurore du 8 mai 1948
c) Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Le point de vue fédéraliste
Le néerlandais Henri Brugmans est le président de l'Union Européenne des Fédéralistes, qui organise le Congrès de La Haye
On aura beau se battre sur tel projet national de politique fiscale, sur une nationalisation de plus ou de moins, sur tel ou tel degré de dirigisme national - tout cela ne va pas au fond du problème.
Le vrai problème, c'est de créer l'organisation supranationale de l'Europe, seule capable de nous offrir un vaste marché intérieur, base d'une prospérité solide. Rééquipement technique, mise en commun de nos ressources, division du travail entre les peuples : tout cela est illusoire, tant que subsiste le compartimentage national. Résolvons donc d'abord la question préalable, qui est de fédérer l'Europe.
Henri Brugmans, discours du 7 mai 1948
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Le point de vue « unioniste »
Je suis fier de ce Congrès. Mais nous n'avons pas le droit de nous reposer sur des platitudes bienveillantes et sur de vagues généralisations. Nous savons et nous devons affirmer ce que nous entendons et ce que nous voulons. Il ne serait pas sage, d'autre part, à cette époque critique, de nous laisser aller à des tentatives compliquées pour l'établissement de projets de constitution rigides. C'est là une étape ultérieure, étape où les gouvernements au pouvoir doivent prendre la direction des affaires, en réponse à l'impulsion que nous leur aurons donnée, et dans bien des cas,conformément à leurs propres conceptions. Nous sommes ici pour établir les fondements sur lesquels pourront se dresser les hommes d'État des démocraties occidentales, créer une atmosphère favorable aux décisions qu'ils seront amenés à prendre. Ce n'est pas à nous, qui ne détenons pas l'autorité des gouvernements, d'affronter le monde avec des formules rigides ou des dispositifs détaillés.
Winston Churchill, discours du 7 mai 1948
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Les divisions des Européens à l’origine de l’échec du Congrès de la Haye
Denis de Rougemont, délégué général de l'Union européenne des fédéralistes, publie, à l'automne 1948, ses impressions sur le congrès.
La presse continentale dans son ensemble a parlé du congrès de l'Europe comme d'un congrès « fédéraliste ». En réalité, les groupes fédéralistes s'y trouvaient en minorité à tous égards. Tant par le nombre que par le prestige des hommes d'État qui la représentaient, la tendance « unioniste » dominait largement. [...] On vit le congrès rallier progressivement quelque chose dont il refusait le nom ou l'étiquette avec obstination, mais qui n'en est pas moins le programme fédéraliste. [...] Un désir évident d'aboutir, né du sentiment général de la gravité de l'enjeu, eut sans nul doute mené le congrès beaucoup plus loin – s'il n'y avait eu les Britanniques. [...] Pour nous, continentaux, c'est l'Europe qui est en jeu. Pour les Anglais, c'est tout d'abord l'Empire.
Denis de Rougemont, L'Europe enjeu, La Baconnière, 1948
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Une assemblée sans réels pouvoirs
« Conseil de l'Europe....Pas de pronostics »,
caricature publiée en août 1949 dans le journal satirique allemand Der Tintenfisch.
« Je déclare ouverte la première séance.... Avec ceci, je clos la dernière séance »
Un grand espoir, mais des réalisations limitées
Un texte fondamental: La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (1950)
Les gouvernements signataires, membres du Conseil de l'Europe,
Considérant la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948;
Considérant que cette déclaration tend à assurer la reconnaissance et l'application universelles et effectives des droits qui y sont énoncés;
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que l'un des moyens d'atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Réaffirmant leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique, d'une part, et, d'autre part, sur une conception commune et un commun respect des droits de l'homme dont ils se réclament;
Résolus, en tant que gouvernements d'États européens animés d'un même esprit et possédant un patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit, à prendre les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle,
Sont convenus de ce qui suit:
2. Les premières communautés européennes
a) La Communauté européenne du charbon et de l’acier est créée à l’initiative de la France. Pour Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, une paix durable ne peut s’établir entre la France et la République Fédérale d’Allemagne (qui a été créée en 1949) que par des réalisations limitées, créant des « solidarités de fait ». C’est la raison pour laquelle Schuman propose, le 9 mai 1950, la mise en commun des productions de charbon et d’acier de ces deux pays (document 1). Une Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) est ainsi formée en 1951, associant la France et la RFA, mais aussi l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Dotée d’une Haute Autorité qui organise les échanges et veille au respect de la libre concurrence, la CECA est la première organisation supranationale de l’histoire de l’Europe (document 2).
b) Plus ambitieuse, la Communauté européenne de défense est en revanche un échec. L’aggravation des tensions de la Guerre froide au début des années 1950 suscite le projet d’une Communauté européenne de défense (CED), qui fusionnerait sous un commandement unique l’armée reconstituée de la RFA et les armées des autres pays de la CECA (document 3). Mais ce projet, soutenu par les États-Unis et adopté par la RFA, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, échoue en France en 1954 face à l’opposition des gaullistes et des communistes qui dénoncent les dangers du réarmement allemand et l’abandon de la souveraineté française (document 4). À la suite de l’échec de la CED, l’armée ouest-allemande reconstituée entre dans l’OTAN en 1955
c) La Communauté économique européenne est créée en 1957. Un an après la crise de Suez qui a montré aux Européens les limites de leur puissance, les pays de la CECA accélèrent leur rapprochement : le 25 mars 1957, ils signent deux traités à Rome, l’un qui met en place une Communauté économique européenne (CEE), l’autre qui crée une Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) (document 5). Le Royaume-Uni, à qui ces traités ont été proposés, préfère former une association concurrente, l’Association européenne de libre-échange (AELE) (document 6). La naissance de la CEE, comme celle de la CECA, doit beaucoup à l’action de plusieurs hommes d’État unis par les mêmes valeurs démocrates-chrétiennes : Konrad Adenauer (chancelier de la RFA), Alcide de Gasperi (président du conseil italien) et Paul-Henri Spaak (premier ministre belge) sont considérés avec Robert Schuman comme les « Pères de l’Europe » (document 7).
La création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951)
Le 9 mai 1950, Maurice Schuman propose la mise en commun
des productions franco-allemandes de charbon et d'acier
La création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951)
La « déclaration Schuman »
L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne.
Dans ce dessein, le gouvernement français propose de porter immédiatement l'action sur un point limité mais décisif. Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe. […]
La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes.
La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l'Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. L'établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer, aboutissant à fournir à tous les pays qu'elle rassemblera les éléments fondamentaux de la production industrielle aux mêmes conditions, jettera les fondements réels de leur unification économique.
Maurice Schuman, Discours du 9 mai 1950
La création de la Communauté européenne
du charbon et de l’acier (1951)
Un tournant dans l'histoire de l'Europe
Illustration du magazine britannique Punch en 1950.
Sur la poutre « Plan charbon et acier » ;
sur les côtés du fossé: « méfiance » et « soupçon »
La création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951)
Un tournant dans l'histoire de l'Europe
« Noces d’acier. ». Caricature néerlandaise de 1951
L'échec de la Communauté européenne de défense (1954)
L'échec de la Communauté européenne de défense (1954)
L'opposition commune des gaullistes et des communistes
Affiches de 1954
L'échec de la Communauté européenne de défense (1954)
La « une » de l'Humanité annonçant le rejet de la CED, le 30 août 1954
La création de la Communauté économique européenne (1957)
La signature des traités de Rome, le 25 mars 1957
La création de la Communauté économique européenne (1957)
Le préambule des traités de Rome (1957)
Sa Majesté le roi des Belges, le président de la République fédérale d'Allemagne, le président de la République française, le président de la République italienne, Son Altesse Royale la grande-duchesse de Luxembourg, Sa Majesté la reine des Pays-Bas.
Déterminés à établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens,
Décidés à assurer par une action commune le progrès économique et social de leur pays en éliminant les barrières qui divisent l'Europe,
Assignant pour but essentiel à leurs efforts l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples,
Reconnaissant que l'élimination des obstacles existants appelle une action concertée en vue de garantir la stabilité dans l'expansion, l'équilibre dans les échanges et la loyauté dans la concurrence,
Soucieux de renforcer l'unité de leurs économies et d'en assurer le développement harmonieux en réduisant l'écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisés.
Désireux de contribuer, grâce à une politique commerciale commune, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux,
Entendant confirmer la solidarité qui lie l'Europe et les pays d'outre-mer, et désirant assurer le développement de leur prospérité, conformément aux principes de la Charte des Nations-unies,
Résolus à affermir, par la contribution de cet ensemble de ressources, les sauvegardes de la paix et de la liberté, et appelant les autres peuples de l'Europe qui partagent leur idéal à s'associer à leur effort,
Ont décidé de créer une Communauté Économique Européenne
La création de la Communauté économique européenne (1957)
Affiche italienne célébrant la naissance de la CEE
et de la Communauté Européenne de l'Energie Atomique
La création de la Communauté économique européenne (1957)
Face à la CEE, le Royaume-Uni forme l'Association Européenne de Libre-Échange en 1960
avec le Danemark, la Norvège, la Suède, la Suisse, l'Autriche et le Portugal
La création de la Communauté économique européenne (1957)
Les « Pères de l'Europe »
a) La création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951)
La création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951)
Le 9 mai 1950, Maurice Schuman propose la mise en commun
des productions franco-allemandes de charbon et d'acier
La création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951)
La « déclaration Schuman »
L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne.
Dans ce dessein, le gouvernement français propose de porter immédiatement l'action sur un point limité mais décisif. Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe. […]
La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes.
La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l'Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. L'établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer, aboutissant à fournir à tous les pays qu'elle rassemblera les éléments fondamentaux de la production industrielle aux mêmes conditions, jettera les fondements réels de leur unification économique.
Maurice Schuman, Discours du 9 mai 1950
La création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951)
Un tournant dans l'histoire de l'Europe
« Noces d’acier. ». Caricature néerlandaise de 1951
b) L'échec de la Communauté européenne de défense (1954)
L'échec de la Communauté européenne de défense (1954)
L'échec de la Communauté européenne de défense (1954)
La « une » de l'Humanité annonçant le rejet de la CED, le 30 août 1954
c) La création de la Communauté économique européenne (1957)
La création de la Communauté économique européenne (1957)
La signature des traités de Rome, le 25 mars 1957
La création de la Communauté économique européenne (1957)
Le préambule des traités de Rome (1957)
Sa Majesté le roi des Belges, le président de la République fédérale d'Allemagne, le président de la République française, le président de la République italienne, Son Altesse Royale la grande-duchesse de Luxembourg, Sa Majesté la reine des Pays-Bas.
Déterminés à établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens,
Décidés à assurer par une action commune le progrès économique et social de leur pays en éliminant les barrières qui divisent l'Europe,
Assignant pour but essentiel à leurs efforts l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples,
Reconnaissant que l'élimination des obstacles existants appelle une action concertée en vue de garantir la stabilité dans l'expansion, l'équilibre dans les échanges et la loyauté dans la concurrence,
Soucieux de renforcer l'unité de leurs économies et d'en assurer le développement harmonieux en réduisant l'écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisés.
Désireux de contribuer, grâce à une politique commerciale commune, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux,
Entendant confirmer la solidarité qui lie l'Europe et les pays d'outre-mer, et désirant assurer le développement de leur prospérité, conformément aux principes de la Charte des Nations-unies,
Résolus à affermir, par la contribution de cet ensemble de ressources, les sauvegardes de la paix et de la liberté, et appelant les autres peuples de l'Europe qui partagent leur idéal à s'associer à leur effort,
Ont décidé de créer une Communauté Économique Européenne
La création de la Communauté économique européenne (1957)
Les « Pères de l'Europe »
II. Une construction européenne confrontée à des difficultés croissantes (1957-1986)
1. Les grandes ambitions de la CEE
a) La nouvelle communauté se dote d’institutions originales, qui n’ont rien de supranational. La Commission européenne, nommée par les gouvernements des États membres, n’a qu’un pouvoir de proposition ; l’Assemblée parlementaire européenne, formée de délégués des Parlements nationaux, n’a qu’un rôle consultatif. L’essentiel des pouvoirs est confié au Conseil des ministres, qui prend ses décisions les plus importantes à l’unanimité et les autres à la majorité qualifiée (document 1). Ce dispositif permet aux États de diriger la CEE en fonction de leurs intérêts, sans abandonner leur souveraineté. C’est la principale différence entre la CECA et la CEE.
b) La CEE met aussi en place des politiques communes ambitieuses. Afin de créer un « Marché commun », les six pays membres de la Communauté s’engagent à supprimer dans un délai de douze ans tous les obstacles à la circulation des hommes, des marchandises, des capitaux, et à mettre en place aux frontières de la Communauté un tarif extérieur commun. Ce projet est réalisé dès 1968 pour la circulation des marchandises, mais il progresse peu pour la circulation des personnes (document 2). Une Politique Agricole Commune est aussi mise en place à partir de 1962, afin de rendre la CEE autosuffisante, tout en modernisant ses structures de production. Cette politique, fondée sur des prix minimums garantis et sur la préférence communautaire, permet à la CEE de devenir exportatrice de produits agricoles, mais elle nécessite d’interminables négociations entre les États membres de la Communauté et absorbe la plus grande partie du budget de celle-ci (document 3).
Des institutions originales, loin de la supranationalité
Les institutions de la Communauté économique européenne
Des politiques économiques communes rapidement mises en place
La CEE: un espace de libre circulation. Affiche de 1957.
Des politiques économiques communes rapidement mises en place
Affiche française de 1957. Le « Marché Commun », fondé sur la libre circulation des marchandises,
entre en vigueur en 1968. Voir les Actualités françaises présentant ce projet en 1957
Des politiques économiques communes rapidement mises en place
« Européens, protégez vos jardins ! » Caricature allemande de 1963
sur la mise en place de la Politique agricole commune.
Des politiques économiques communes rapidement mises en place
Caricature néerlandaise de 1963, illustrant les difficiles négociations à propos de la PAC.
a) Des institutions originales, loin de la supranationalité
Des institutions originales, loin de la supranationalité
Les institutions de la Communauté économique européenne
b) Des politiques économiques communes rapidement mises en place
Des politiques économiques communes rapidement mises en place
La CEE: un espace de libre circulation. Affiche de 1957.
Des politiques économiques communes rapidement mises en place
Affiche française de 1957. Le « Marché Commun », fondé sur la libre circulation des marchandises,
entre en vigueur en 1968. Voir les Actualités françaises présentant ce projet en 1957
Des politiques économiques communes rapidement mises en place
Caricature néerlandaise de 1963, illustrant les difficiles négociations à propos de la PAC.
2. Des obstacles politiques de plus en plus nombreux
a) L’intransigeance de de Gaulle ralentit durablement la construction européenne. Partisan d’une « Europe des États », de Gaulle s’oppose à toute évolution vers une CEE supranationale (document 1) : il refuse ainsi que le plus grand nombre de décisions du Conseil des ministres soient prises à la majorité à partir de 1965, comme le prévoit le traité de Rome. En pratiquant la politique de la « chaise vide » (c’est-à-dire en suspendant la participation de la France à la CEE), il impose en 1966 le maintien de l’unanimité pour un grand nombre de votes (document 2). Parallèlement, il fait de la coopération entre la France et la RFA une priorité de sa politique : signé en 1963, le Traité de l’Élysée inaugure un rapprochement durable entre les deux pays (document 3). Mais, au nom de son indépendance nationale, la France s’oppose à l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, reprochant aux Britanniques leur trop grande proximité vis-à-vis des États-Unis. Ce n’est qu’après le départ de de Gaulle en 1969 que la CEE effectue son premier élargissement avec le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark qui entrent dans la Communauté en 1973 (document 4).
b) La crise économique des années 1970 accentue les tensions au sein de la CEE. Face au désordre économique et monétaire introduit par la dévaluation du dollar en 1971 et par les chocs pétroliers de 1973 et 1979, les Européens ne parviennent pas à mettre en place des réponses communes (document 5). Créée dans une période de forte croissance, la Communauté se révèle vite impuissante dans un contexte de croissance ralentie : en 1983, elle compte 12 millions de chômeurs, 10 % de sa population active. A la même époque, de nombreuses tensions paralysent les institutions européennes. Entrée en fonction en 1979, le premier ministre britannique Margaret Thatcher n’hésite pas à bloquer le fonctionnement de la CEE pour défendre les intérêts du Royaume-Uni (document 6). L’exacerbation des égoïsmes nationaux suscite de nombreux doutes sur les chances de réussite de la construction européenne au début des années 1980 : on parle alors d’« europessimisme » (document 7).
c) Ces difficultés n’empêchent pas la poursuite de la construction européenne. Afin d’accroître l’efficacité des politiques communautaires, les chefs d’État et de gouvernement commencent à partir de 1974 à se réunir en un Conseil européen et, en 1979, les citoyens de la CEE élisent pour la première fois les députés du Parlement européen au suffrage universel (document 8). Dans le même temps, la Communauté Européenne s’élargit à la Grèce en 1981, puis à l’Espagne et au Portugal en 1986 (document 9). Enfin, à la fin des années 1980, le président français de la Commission européenne Jacques Delors propose, avec l’Acte Unique, une réforme majeure de la CEE. Adopté en 1986 et appelé unique parce qu’il regroupe en un seul texte un grand nombre de modifications des traités de Rome, ce traité prévoit, tout en augmentant les pouvoirs du Parlement européen et en officialisant le rôle dirigeant du Conseil européen, la mise en place au 1er janvier 1993 d’un Marché unique dans lequel circuleront librement les hommes, les marchandises et les capitaux (document 10).
La CEE face à de Gaulle
De Gaulle et l’Europe des États
Construire l'Europe, c'est-à-dire l'unir, c'est évidemment quelque chose d'essentiel. Il est banal de le dire, pourquoi faudrait-il que ce grand foyer de la civilisation, de la force, de la raison, de la prospérité, étouffe sous sa propre cendre ? Seulement, dans un pareil domaine, il faut procéder, non pas suivant des rêves, mais d'après des réalités. Or, quelles sont les réalités de l'Europe ? Quels sont les piliers sur lesquels on peut la bâtir ?
En vérité, ce sont des États qui sont, certes, très différents les uns des autres, qui ont chacun son âme à soi, son Histoire à soi, sa langue à soi, ses malheurs, ses gloires, ses ambitions à soi, mais des États qui sont les seules entités qui aient le droit d'ordonner et l'autorité pour agir. Se figurer qu'on peut bâtir quelque chose qui soit efficace pour l'action et qui soit approuvé par les peuples en dehors et au-dessus des États, c'est une chimère. Assurément, en attendant qu'on ait pris corps à corps et dans son ensemble le problème de l'Europe, il est vrai qu'on a pu instituer certains organismes plus ou moins extranationaux. Ces organismes ont leur valeur technique, mais ils n'ont pas, ils ne peuvent pas avoir, d'autorité et, par conséquent, d'efficacité politique.
Charles de Gaulle, conférence de presse du 5 septembre 1960
De Gaulle revient, avec d'autres termes, sur le même thème dans sa conférence de presse du 15 mai 1962. On peut l'écouter ici.
La CEE face à de Gaulle
« Le chemin européen de de Gaulle: pas ensemble, mais côte à côte »,
caricature allemande de 1960
La CEE face à de Gaulle
Caricature allemande de 1965,
illustrant la « politique de la chaise vide » pratiquée par de Gaulle
La CEE face à de Gaulle
Une illustration de la priorité donnée par de Gaulle au rapprochement franco-allemand:
la signature du traité de l'Élysée, le 22 janvier 1963
La CEE face à de Gaulle
Deux caricatures de 1966, l'une hollandaise, l'autre anglaise,
raillant le refus opposé par de Gaulle
à l'entrée du Royaume-Uni dans la CEE
La CEE face à de Gaulle
Quatre ans après le départ de de Gaulle, le Royaume-Uni entre dans la CEE
Des tensions exacerbées par la crise économique des années 1970
Caricature de Wally Fawkes, publiée dans The Observer,
après l'échec du sommet européen d'Athènes en 1983
Des tensions exacerbées par la crise économique des années 1970
Caricature de Plantu (1984) illustrant le « I want my money back ! » lancé par Margaret Thatcher
pour que le Royaume-Uni cesse de verser plus d'argent à la CEE qu'il n'en reçoit
Des tensions exacerbées par la crise économique des années 1970
L'Europe selon Margaret Thatcher
Selon Mme Thatcher, « une coopération volontaire et active entre les États souverains est le meilleur moyen de construire une Communauté européenne réussie ». Vive l'Europe des patries! Sa méfiance à l'égard des tentations supranationales reste intacte: « Si nous avons réussi à faire reculer chez nous les frontières de l’État, ce n'est pas pour les voir réimposer au niveau européen, avec un super-État européen exerçant, à partir de Bruxelles, une domination nouvelle. »
Quant à l'intégration économique, Mme Thatcher n'a guère étonné en invitant ses partenaires à limiter au maximum les réglementations nouvelles et à se garder des grandes ambitions utopiques.
Le premier ministre, ce n'est pas non plus une découverte, considère avec suspicion le projet qui concerne la « dimension sociale du grand marché », et auquel sont attachés la majorité des États membres, mais plus particulièrement la France et l'Espagne, ainsi que la commission de Bruxelles. « L'objectif d'une Europe ouverte à l'entreprise est la force motrice, la base de la création du marché unique européen d'ici à 1992... Nous n'avons pas besoin de nouveaux règlements qui augmentent les coûts de l'emploi et qui rendent le marché européen du travail moins souple et moins concurrentiel face aux fournisseurs étrangers ».
Philippe Lemaître, Le Monde, 22 septembre 1988
Des tensions exacerbées par la crise économique des années 1970
Les années 1980: le temps de l'« europessimisme »
La poursuite de la construction européenne est entre les mains des États-nations qui sont encore seuls détenteurs du pouvoir et qui seuls peuvent décider, soit d’agir d’un commun accord tout en restant souverains, soit de déléguer une partie de leurs compétences à des organes européens.
Or, l’attitude des États est contradictoire. Pour eux, l’Europe est une fin en soi, mais sa réalisation risque de les subordonner à une autorité supérieure ou même de les faire disparaître, d’où le refus de la fédération, qui serait pourtant la solution la plus logique mais la plus douloureuse. L’Europe est aussi un moyen pour eux de résoudre leurs difficultés et ils cherchent à l’utiliser, mais, pour cela, il faut que cette Europe soit efficace et capable d’action, d’où la nécessité de dépasser la simple coopération. Ainsi les États cherchent à tirer le plus possible de l’Europe tout en lui abandonnant le moins possible leurs prérogatives. Les gouvernements ne manquent pas cependant de volonté européenne. Ils sont conscients de leur interdépendance, de l’impossibilité d’agir seuls, de l’avantage des actions communes. Mais ils sont prisonniers de structures qui restent nationales.
Pierre Gerbet, La Construction de l’Europe, 1981
Des progrès importants, malgré ces difficultés
La première réunion, en 1974 à Paris, du Conseil Européen
regroupant les chefs d'État et de gouvernement de la CEE
Des progrès importants, malgré ces difficultés
Caricature de 1979, réalisée à l'occasion des premières élections
au suffrage universel des députés du Parlement européen
Des progrès importants, malgré ces difficultés
En intégrant la Grèce en 1981, puis l'Espagne et le Portugal en 1986, la CEE s'étend au Sud de l'Europe
Des progrès importants, malgré ces difficultés
L'Acte Unique, signé en 1986: une réforme en profondeur de la CEE
La CEE face à de Gaulle
De Gaulle et l’Europe des États
Construire l'Europe, c'est-à-dire l'unir, c'est évidemment quelque chose d'essentiel. Il est banal de le dire, pourquoi faudrait-il que ce grand foyer de la civilisation, de la force, de la raison, de la prospérité, étouffe sous sa propre cendre ? Seulement, dans un pareil domaine, il faut procéder, non pas suivant des rêves, mais d'après des réalités. Or, quelles sont les réalités de l'Europe ? Quels sont les piliers sur lesquels on peut la bâtir ?
En vérité, ce sont des États qui sont, certes, très différents les uns des autres, qui ont chacun son âme à soi, son Histoire à soi, sa langue à soi, ses malheurs, ses gloires, ses ambitions à soi, mais des États qui sont les seules entités qui aient le droit d'ordonner et l'autorité pour agir. Se figurer qu'on peut bâtir quelque chose qui soit efficace pour l'action et qui soit approuvé par les peuples en dehors et au-dessus des États, c'est une chimère. Assurément, en attendant qu'on ait pris corps à corps et dans son ensemble le problème de l'Europe, il est vrai qu'on a pu instituer certains organismes plus ou moins extranationaux. Ces organismes ont leur valeur technique, mais ils n'ont pas, ils ne peuvent pas avoir, d'autorité et, par conséquent, d'efficacité politique.
Charles de Gaulle, conférence de presse du 5 septembre 1960
De Gaulle revient, avec d'autres termes, sur le même thème dans sa conférence de presse du 15 mai 1962. On peut l'écouter ici.
La CEE face à de Gaulle
Quatre ans après le départ de de Gaulle, le Royaume-Uni entre dans la CEE
b) Des tensions exacerbées par la crise économique des années 1970
Des tensions exacerbées par la crise économique des années 1970
Caricature de Wally Fawkes, publiée dans The Observer,
après l'échec du sommet européen d'Athènes en 1983
Des tensions exacerbées par la crise économique des années 1970
L'Europe selon Margaret Thatcher
Selon Mme Thatcher, « une coopération volontaire et active entre les États souverains est le meilleur moyen de construire une Communauté européenne réussie ». Vive l'Europe des patries! Sa méfiance à l'égard des tentations supranationales reste intacte: « Si nous avons réussi à faire reculer chez nous les frontières de l’État, ce n'est pas pour les voir réimposer au niveau européen, avec un super-État européen exerçant, à partir de Bruxelles, une domination nouvelle. »
Quant à l'intégration économique, Mme Thatcher n'a guère étonné en invitant ses partenaires à limiter au maximum les réglementations nouvelles et à se garder des grandes ambitions utopiques.
Le premier ministre, ce n'est pas non plus une découverte, considère avec suspicion le projet qui concerne la « dimension sociale du grand marché », et auquel sont attachés la majorité des États membres, mais plus particulièrement la France et l'Espagne, ainsi que la commission de Bruxelles. « L'objectif d'une Europe ouverte à l'entreprise est la force motrice, la base de la création du marché unique européen d'ici à 1992... Nous n'avons pas besoin de nouveaux règlements qui augmentent les coûts de l'emploi et qui rendent le marché européen du travail moins souple et moins concurrentiel face aux fournisseurs étrangers ».
Philippe Lemaître, Le Monde, 22 septembre 1988
Des tensions exacerbées par la crise économique des années 1970
Les années 1980: le temps de l'« europessimisme »
La poursuite de la construction européenne est entre les mains des États-nations qui sont encore seuls détenteurs du pouvoir et qui seuls peuvent décider, soit d’agir d’un commun accord tout en restant souverains, soit de déléguer une partie de leurs compétences à des organes européens.
Or, l’attitude des États est contradictoire. Pour eux, l’Europe est une fin en soi, mais sa réalisation risque de les subordonner à une autorité supérieure ou même de les faire disparaître, d’où le refus de la fédération, qui serait pourtant la solution la plus logique mais la plus douloureuse. L’Europe est aussi un moyen pour eux de résoudre leurs difficultés et ils cherchent à l’utiliser, mais, pour cela, il faut que cette Europe soit efficace et capable d’action, d’où la nécessité de dépasser la simple coopération. Ainsi les États cherchent à tirer le plus possible de l’Europe tout en lui abandonnant le moins possible leurs prérogatives. Les gouvernements ne manquent pas cependant de volonté européenne. Ils sont conscients de leur interdépendance, de l’impossibilité d’agir seuls, de l’avantage des actions communes. Mais ils sont prisonniers de structures qui restent nationales.
Pierre Gerbet, La Construction de l’Europe, 1981
c) Des progrès importants, malgré ces difficultés
Des progrès importants, malgré ces difficultés
La première réunion, en 1974 à Paris, du Conseil Européen
regroupant les chefs d'État et de gouvernement de la CEE
Des progrès importants, malgré ces difficultés
L'Acte Unique, signé en 1986: une réforme en profondeur de la CEE
III. La construction européenne depuis la fin de la Guerre froide
1. L’étape décisive du traité de Maastricht
a) La naissance de l’Union européenne achève la mise en place d’une Europe politique. Signé en 1992, trois ans après la fin de la Guerre froide, le traité de Maastricht donne une accélération décisive à la construction européenne (document 1). Prolongeant l’Acte unique, ce traité ajoute l’environnement, la recherche, l’éducation, la santé et la culture aux politiques communes déjà mises en place par la CEE. Mais cette dernière, n’est elle-même que le premier des « piliers » de l’Union européenne : deux autres piliers, la Politique Etrangère et de Sécurité Commune et la Coopération Policière et Judiciaire, donnent à l’Union européenne une dimension politique inédite (document 2).
b) La naissance de l’Union européenne est suivie de nombreuses réalisations. Le Marché unique prévu depuis 1986 entre en vigueur en 1993 et établit une libre circulation des marchandises et des capitaux. En 1995, les accords de Schengen signés en 1985 entrent également en vigueur et établissent la liberté de circulation des personnes dans l’Union européenne (document 3). Ensuite, une monnaie unique, l’euro, est adoptée en 1999 par 11 pays rejoints par la Grèce en 2001 tandis qu’une Banque Centrale Européenne indépendante des États et installée à Francfort définit la politique monétaire de la zone euro (document 4). Enfin, une citoyenneté de l’Union donne aux citoyens européens de nombreux droits nouveaux : le droit de circuler et de séjourner, de travailler et d’étudier sur l’ensemble du territoire de l’Union ; le droit de voter aux élections locales et européennes dans le pays où ils résident ; un droit de pétition devant le Parlement européen et le droit de faire appel au médiateur européen (document 5).
c) Maastricht est le point de départ d'un élargissement permanent Après l’ex-RDA qui est absorbée par la RFA et entre dans l’Union en 1990, les États resté neutres pendant la Guerre froide, l’Autriche, la Suède et la Finlande, rejoignent l’Union européenne en 1995 (document 6). En 2004 ce sont huit États issus de l’ancien bloc communiste qui, avec Malte et Chypre, adhèrent à l’Union, rejoints en 2007 par la Roumanie et la Bulgarie et par la Croatie en 2013 (document 7). Désormais, à l’exception des pays de la zone d’influence de la Russie (Ukraine, Biélorussie, Moldavie) et de la Norvège et de la Suisse qui refusent d’y entrer, l’Union tend à regrouper l’ensemble des États européens : l’Islande, la Macédoine l’Albanie, la Bosnie et la Serbie se sont vu reconnaître une « vocation à adhérer à l’Union » (document 8). Avec les pays qui n’ont pas cette vocation – dont la Turquie –, l’Union met en place depuis 2004 une « politique de voisinage » destinée à stabiliser ses nouvelles frontières (document 9).
La création de l’Union européenne
La signature du Traité de Maastricht (Pays-Bas), le 7 février 1992
La création de l’Union européenne
Une dimension politique inédite dans la construction européenne
Par le présent traité, les Hautes Parties Contractantes instituent entre elles une Union européenne, ci-après dénommée “Union”.
Le présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises le plus près possible des citoyens.
L'Union est fondée sur les Communautés européennes complétées par les politiques et formes de coopération instaurées par le présent traité. Elle a pour mission d'organiser de façon cohérente et solidaire les relations entre les États membres et entre leurs peuples.
L'Union se donne pour objectifs:
- de promouvoir un progrès économique et social équilibré et durable, notamment par la création d'un espace sans frontières intérieures, par le renforcement de la cohésion économique et sociale et par l'établissement d'une union économique et monétaire comportant, à terme, une monnaie unique, conformément aux dispositions du présent traité;
- d'affirmer son identité sur la scène internationale, notamment par la mise en œuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition à terme d'une politique de défense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune;
- de renforcer la protection des droits et des intérêts des ressortissants de ses États membres par l'instauration d'une citoyenneté de l'Union;
- de développer une coopération étroite dans le domaine de la justice et des affaires intérieures;
- de maintenir intégralement l'acquis communautaire et de le développer
Préambule du Traité de Maastricht, 7 février 1992
La création de l’Union européenne
Les « trois piliers » de l'Union européenne
De nombreuses réalisations communes
L'espace de libre circulation européen, dit « Espace Schengen »
De nombreuses réalisations communes
Une citoyenneté européenne porteuse de nouveaux droits
Le point de départ d'un élargissement permanent
Les États membres de l'Union au moment de la signature du Traité de Maastricht
Le point de départ d'un élargissement permanent
Les élargissements de l'Union après la signature du Traité de Maastricht
Le point de départ d'un élargissement permanent
Les évolutions de l'Union européenne après 2013
Le point de départ d'un élargissement permanent
L'insoluble question de l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne
Une démocratie fragile
Caricature de Behrendt, 1993
Un des États les plus peuplés d'Europe
Caricature de Behrendt, 2005
Un État majoritairement musulman
Caricature de Plantu, 2002
L'occupation du Nord de Chypre depuis 1975
Caricature de Poncho, 2002
a) La création de l’Union européenne
La création de l’Union européenne
La signature du Traité de Maastricht (Pays-Bas), le 7 février 1992
La création de l’Union européenne
Une dimension politique inédite dans la construction européenne
Par le présent traité, les Hautes Parties Contractantes instituent entre elles une Union européenne, ci-après dénommée “Union”.
Le présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises le plus près possible des citoyens.
L'Union est fondée sur les Communautés européennes complétées par les politiques et formes de coopération instaurées par le présent traité. Elle a pour mission d'organiser de façon cohérente et solidaire les relations entre les États membres et entre leurs peuples.
L'Union se donne pour objectifs:
- de promouvoir un progrès économique et social équilibré et durable, notamment par la création d'un espace sans frontières intérieures, par le renforcement de la cohésion économique et sociale et par l'établissement d'une union économique et monétaire comportant, à terme, une monnaie unique, conformément aux dispositions du présent traité;
- d'affirmer son identité sur la scène internationale, notamment par la mise en œuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition à terme d'une politique de défense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune;
- de renforcer la protection des droits et des intérêts des ressortissants de ses États membres par l'instauration d'une citoyenneté de l'Union;
- de développer une coopération étroite dans le domaine de la justice et des affaires intérieures;
- de maintenir intégralement l'acquis communautaire et de le développer
Préambule du Traité de Maastricht, 7 février 1992
b) De nombreuses réalisations communes
De nombreuses réalisations communes
L'espace de libre circulation européen, dit « Espace Schengen »
c) Le point de départ d'un élargissement permanent
Le point de départ d'un élargissement permanent
Les États membres de l'Union au moment de la signature du Traité de Maastricht
Le point de départ d'un élargissement permanent
L'insoluble question de l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne
Une démocratie fragile
Caricature de Behrendt, 1993
Un des États les plus peuplés d'Europe
Caricature de Behrendt, 2005
Un État majoritairement musulman
Caricature de Plantu, 2002
L'occupation du Nord de Chypre depuis 1975
Caricature de Poncho, 2002
2. Un système de gouvernement de plus en plus complexe
a) Le traité de Maastricht reprend en grande partie la gouvernance de la CEE. Les institutions de l’Union partagent les pouvoirs entre plusieurs instances : le Conseil européen, formé par les chefs d’État et de gouvernement, fixe les orientations de la politique de l’Union ; celles-ci sont ensuite mises en œuvre par la Commission européenne, dont les commissaires désignés par les États exercent leur mandat indépendamment de ceux-ci ; les décisions de la Commission doivent ensuite être approuvées – c’est le principe de la « codécision » – par le Parlement européen, élu au suffrage universel, et par le Conseil de l’Union européenne, formé par les ministres en charge du domaine concerné (document 1). Ainsi se trouve constitué le « triangle décisionnel » de l’Union, où une instance représentant les États (l’un ou l’autre des Conseils), une instance représente les citoyens (le Parlement) et une instance représente l’Union européenne elle-même (la Commission) (document 2).
b) Mais les institutions européennes deviennent un chantier sans fin. Pour adapter le fonctionnement de l’Union à ses élargissements successifs, trois traités sont signés à Amsterdam en 1997, à Nice en 2001 et à Lisbonne en 2007. Ces traités renforcent l’efficacité de l’Union en instituant le vote à la majorité qualifiée, au lieu de l’unanimité, sur un grand nombre de questions. Ils renforcent aussi la souveraineté des États, en créant des « coopérations renforcées » qui permettent de mettre en place des politiques communes à un nombre réduit d’États (8, depuis 2001), tout en laissant aux autres États le choix de ne pas y participer. Ces traités renforcent enfin les pouvoirs de contrôle du Parlement, notamment sur la Commission européenne (document 3). Le traité de Lisbonne donne aussi à l’Union européenne une existence internationale, en créant un président du Conseil européen élu par les chefs d’État (actuellement le Polonais Donald Tusk) et un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères (l’Italienne Federica Mogherini) (document 4).
L’édifice institutionnel du traité de Maastricht
Les institutions de l'Union européenne en 1992
L’édifice institutionnel du traité de Maastricht
Le « triangle décisionnel » de l'Union européenne
Le chantier sans fin des institutions de l'Union
La complexité croissante des institutions européennes
illustrée par le dessinateur belge Pierre Knoll en 2007
Le chantier sans fin des institutions de l'Union
Le Traité d'Amsterdam (1997)
- Le Parlement européen a une participation accrue à la procédure législative de l'Union.
- Au Conseil, l'unanimité n'est plus requise que pour les affaires constitutionnelles et les sujets sensibles (fiscalité, réglementation de l'immigration et des visas).
- Des coopérations renforcées deviennent possibles, en n’associant qu’une partie des États membres à certaines politiques.
Le Traité de Nice (2001)
- Le rôle de co-législateur du Parlement européen est encore renforcé. Le nombre maximal de députés passe de 626 à 732 (78 pour la France).
- De nouvelles règles d'adoption des textes européens sont fixées. Chaque État se voit attribuer un nombre de voix en fonction de sa population: la France, comme les autres grands pays, dispose de 29 voix. Si la majorité obtenue lors d'un vote représente moins de 62 % de la population de l'Union, un acte ne sera pas adopté.
- Les coopérations renforcées sont assouplies. 8 États (au lieu de la majorité) sont nécessaires à la création d'une coopération renforcée.
Le Traité de Lisbonne (2007)
- La majorité qualifiée est définie comme égale à au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins 15 d’entre eux et représentant au moins 65 % de la population de l’Union.
- Un président du Conseil européen est élu pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Un poste de haut représentant de la politique étrangère européenne est créé.
- Les pouvoirs du Parlement européen et des Parlements nationaux sont renforcés
Le chantier sans fin des institutions de l'Union
Une existence internationale pour l'Union européenne:
Herman Van Rompuy et Catherine Ashton (2010-2014)
Le chantier sans fin des institutions de l'Union
Une existence internationale pour l'Union européenne:
Donald Tusk et Federica Mogherini (2014-2018)
a) L’édifice institutionnel du traité de Maastricht
L’édifice institutionnel du traité de Maastricht
Les institutions de l'Union européenne en 1992
L’édifice institutionnel du traité de Maastricht
Le « triangle décisionnel » de l'Union européenne
b) Le chantier sans fin des institutions de l'Union
Le chantier sans fin des institutions de l'Union
La complexité croissante des institutions européennes
illustrée par le dessinateur belge Pierre Knoll en 2007
Le chantier sans fin des institutions de l'Union
Le Traité d'Amsterdam (1997)
- Le Parlement européen a une participation accrue à la procédure législative de l'Union.
- Au Conseil, l'unanimité n'est plus requise que pour les affaires constitutionnelles et les sujets sensibles (fiscalité, réglementation de l'immigration et des visas).
- Des coopérations renforcées deviennent possibles, en n’associant qu’une partie des États membres à certaines politiques.
Le Traité de Nice (2001)
- Le rôle de co-législateur du Parlement européen est encore renforcé. Le nombre maximal de députés passe de 626 à 732 (78 pour la France).
- De nouvelles règles d'adoption des textes européens sont fixées. Chaque État se voit attribuer un nombre de voix en fonction de sa population: la France, comme les autres grands pays, dispose de 29 voix. Si la majorité obtenue lors d'un vote représente moins de 62 % de la population de l'Union, un acte ne sera pas adopté.
- Les coopérations renforcées sont assouplies. 8 États (au lieu de la majorité) sont nécessaires à la création d'une coopération renforcée.
Le Traité de Lisbonne (2007)
- La majorité qualifiée est définie comme égale à au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins 15 d’entre eux et représentant au moins 65 % de la population de l’Union.
- Un président du Conseil européen est élu pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Un poste de haut représentant de la politique étrangère européenne est créé.
- Les pouvoirs du Parlement européen et des Parlements nationaux sont renforcés
Le chantier sans fin des institutions de l'Union
Une existence internationale pour l'Union européenne:
Donald Tusk et Federica Mogherini (2014-2018)
3. Une gouvernance qui tarde à montrer son efficacité
a) Les progrès de l’euroscepticisme sont constants. En dépit de ses avancées, nombreux sont les citoyens européens pour qui l’Europe est une construction trop complexe et trop éloignée de leurs préoccupations. Dans la plupart des pays membres de l’Union, le sentiment d’appartenance à celle-ci reste faible, ce que traduit le nombre croissant d’abstentionnistes aux élections du Parlement européen (document 1). De plus, l’Europe est perçue comme la source principale des difficultés économiques des États et comme une menace pour leur souveraineté. C’est ce qui explique le succès croissant des idées « souverainistes » depuis les années 1990 : alors que les citoyens français ne ratifient le traité de Maastricht qu’à une courte majorité de 51 % en 1992, ils répondent par 55 % de « non » à un projet de Constitution européenne en 2005 (document 2). Le rejet de l’Union européenne, que l’on rencontre dans un nombre croissant d’États (Autriche, Pays-Bas, Pologne, Hongrie), culmine au Royaume-Uni, où le mouvement eurosceptique « Ukip » (United Kingdom Independence Party) a réussi à imposer une sortie du pays de l’Union européenne (document 3).
b) L’Europe, géant économique, peine à exister sur le plan politique. Si l’Union européenne est devenue l’un des pôles majeurs de l’économie mondiale, sa puissance n’est pas exempte de fragilités : la crise des dettes publiques qui a touché la zone euro à partir de 2011 a contraint l’Union à recourir aux crédits du Fonds monétaire international (document 4). De même, sa Politique Etrangère et de Sécurité Commune reste limitée, les décisions devant être prises à l’unanimité. Les Européens sont ainsi restés impuissants lors des guerres qui ont ravagé l’ex-Yougoslavie à la fin des années 1990 et qui n’ont pris fin qu’avec les interventions de l’OTAN en Bosnie en 1995 puis au Kosovo en 1999. De même, les États de l’Union ne parviennent pas à adopter une position commune lors de l’invasion de l’Irak en 2003, pourtant rejetée par une large majorité des opinions européennes, ni dans l’actuelle crise ukrainienne, dont l’un des enjeux est pourtant le rapprochement de l’Ukraine et de l’Union européenne (document 5).
Les progrès de l’euroscepticisme
Une Europe éloignée d'un grand nombre de citoyens européens
Les progrès de l’euroscepticisme
L'abstention aux élections européennes depuis 1979
Les progrès de l’euroscepticisme
Affiches de la campagne du référendum sur la Constitution européenne organisé en France en 2005
Les progrès de l’euroscepticisme
Le succès des partis europhobes aux élections européennes de 2014
Les progrès de l’euroscepticisme
La campagne anti-européenne du Ukip qui a conduit au Brexit
L’Europe, géant économique, nain politique
L'Union européenne au début des années 2000:
une puissance économique équivalente à celle des États-Unis
L’Europe, géant économique, nain politique
Caricature de Chapatte en 2011:
l’Europe impuissante face à la crise des dettes publiques de la zone euro
L’Europe, géant économique, nain politique
L'Union européenne désunie face aux guerres dans l'ex-Yougoslavie.
Caricature de Georges Million, 1991
L’Europe, géant économique, nain politique
L'Europe impuissante face à la Russie, en Géorgie en 2008 et en Ukraine en 2014
a) Les progrès de l’euroscepticisme
Les progrès de l’euroscepticisme
Une Europe éloignée d'un grand nombre de citoyens européens
b) L’Europe, géant économique, nain politique
L’Europe, géant économique, nain politique
L'Union européenne au début des années 2000:
une puissance économique équivalente à celle des États-Unis
L’Europe, géant économique, nain politique
L'Europe impuissante face à la Russie, en Géorgie en 2008 et en Ukraine en 2014
Si la mise en place d’une Europe politique dotée d'une gouvernance cohérente et efficace apparaît de plus en plus nécessaire, elle reste une perspective encore très éloignée. Les hypothèses les plus pessimistes voient l'Union européenne se dissoudre progressivement face à l'exacerbation de ses tensions internes; les plus optimistes, de moins en moins nombreuses, soutiennent que la construction européenne a déjà surmonté de nombreux obstacles...